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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

araignées sociales au Pakistan

 


 

 
     La quantité totale de souffrance qui est vécue chaque année dans le monde naturel défie toute observation placide : pendant la seule minute où j'écris cette phrase, des milliers d'animaux sont mangés vivants; d'autres, gémissant de peur, fuient pour sauver leur vie; d'autres sont lentement dévorés de l'intérieur par des parasites; d'autres encore, de toutes espèces, par milliers, meurent de faim, de soif ou de quelque maladie. Et il doit en être ainsi. Si jamais une période d'abondance survenait, les populations augmenteraient jusqu'à ce que l'état normal de famine et de misère soit à nouveau atteint.
     
Dans un univers peuplé d'électrons et de gènes égoïstes, de forces physiques aveugles et de gènes qui se répliquent, des personnes sont meurtries, d'autres ont de la chance, sans rime ni raison, sans qu'on puisse y déceler la moindre justice. L'univers que nous observons a très exactement les caractéristiques attendues dans l'hypothèse où aucune idée n'aurait présidé à sa conception, aucun objectif, aucun mal et aucun bien, rien d'autre qu'une indifférence excluant toute compassion.
     Comme l’écrivait ce poète malheureux que fut A. Housman :
                        La Nature, qui est sans cœur et sans esprit,
                        Ne veut ni se soucier ni connaître.


            (Richard DAWKINS, Pour la Science, HS janvier 1997)


     
     La pitié, l’idéal de justice, le pardon, l’amour altruiste mais également la colère, la haine, la vengeance, la cruauté gratuite sont, parmi bien d’autres, des notions essentiellement humaines qui n’existent pas dans la Nature sauvage. A l’exception de quelques grands primates, les animaux et les plantes vivent dans un monde sans pitié où seuls comptent les réflexes conditionnés et l’apprentissage instinctuel. Les animaux ne pensent pas – au sens humain du terme – mais réagissent en fonction de leur environnement selon des schémas génétiquement programmés par des millions d’années d’évolution. Toutefois, on est aujourd’hui assez loin de la conception purement mécaniciste qui prévalait du temps de Descartes. C’est en effet un des grands mérites de l’éthologue
Konrad LORENZ (1903-1989) que d’avoir le premier mis en lumière la complexité des comportements animaux : les réponses instinctuelles de ceux-ci sont bien plus nuancées, multiples et différenciées que ne le laisserait supposer une vision superficielle qui s’en tiendrait à une simple loi du tout ou rien. Pourtant, si, au fil des millions d’années, l’évolution et la génétique ont certainement complexifié ces comportements, il n’en reste pas moins que le degré de liberté de l’animal est faible et ses possibilités d’improvisation très limitées… Il faut dire que, au sein de la Nature, il n’existe qu’une seule règle fondamentale : survivre, c’est à dire manger ou être mangé comme le faisait si bien remarquer, il y a déjà longtemps, le journaliste-écrivain Jack LONDON.
  
     De la même façon, les plantes ne sont pas des objets passifs comme les voient le plus souvent nos yeux d’humains mais des êtres qui luttent également de manière acharnée pour survivre avec les armes que leur procure leur patrimoine génétique. Là aussi, la compétition est féroce et seul le plus apte est amené à se développer.
 
     Cependant, dans les films animaliers – et je n’évoque pas, bien sûr, les « films d’animaux » où ces derniers ne sont que des hommes en peluche – les commentaires donnent l’impression que la Nature est un immense théâtre où s’agitent des personnages certes plus ou moins sympathiques mais guidés par des sentiments qui, souvent, rappellent ceux des hommes. Il s’agit là d’une illusion (ou d’une erreur plus ou moins consciente) que l’on appelle
anthropomorphisme. Ailleurs, de doux esprits nous parlent d’écosystèmes « en harmonie » alors que ceux-ci ne sont qu’en équilibre et que la mort y est omniprésente. D’autres encore évoquent la « mère Nature » si bienveillante pour ses petits… Nous réagissons ainsi parce que cela nous ferait de la peine de reconnaître que la Nature dans laquelle nous vivons (de moins en moins, il est vrai) est cruelle et, souvent, sanguinaire. Pourtant, la Nature n’est pas cruelle : elle est seulement indifférente.

     Afin d’illustrer cette notion souvent méconnue (quand elle n’est pas combattue), j’ai choisi de m’attarder sur deux exemples emblématiques situés aux extrêmes de la vie animale, en insistant toutefois sur le fait que ces exemples, particulièrement significatifs, ne font en réalité que refléter le sort commun de notre monde.
 
 
 

la guêpe fouisseuse

 
 
     Jean-Henri FABRE (1823-1915) fut un scientifique français de grand talent, injustement méconnu en France (alors qu’il est célèbre en Russie, aux USA et presque adulé au Japon). Il s’intéressa tout particulièrement au monde des insectes et, à ce titre, il peut être perçu comme un précurseur de l’éthologie.
 
       Dans son oeuvre majeure « souvenirs entomologiques », il rapporte son étonnement face au comportement d’un animal bien connu de nos campagnes : la
 guêpe fouisseuse (sphex). La femelle de cette espèce capture en effet des insectes comme les coléoptères, les abeilles, etc., afin de les transporter, après les avoir paralysés, jusqu’à son nid, le plus souvent un trou dans le sol, dans de la boue ou dans quelque anfractuosité naturelle. Elle pond de un à trois œufs sur sa proie qui servira de garde-manger aux larves jusqu’à la formation des cocons. Dans certaines espèces, la guêpe possède plusieurs nids dans lequel se trouve un seul œuf, nids qu’elle réapprovisionne plusieurs fois en nourriture, ouvrant et refermant soigneusement sa cachette à chaque fois. FABRE explique que, avant de pondre son œuf dans, par exemple, une chenille, la guêpe passe un long moment afin d’introduire méticuleusement son aiguillon dans chacun des ganglions du système nerveux de sa proie de façon à la paralyser sans la tuer ; le but est évident : elle s’assure que la chair restera fraîche pour ses larves présentes et à venir. On ne sait toujours pas aujourd’hui si la guêpe anesthésie totalement la chenille ou si le venin, à la manière du curare, ne sert qu’à immobiliser sa victime. Cette deuxième hypothèse, toutefois, semble la plus probable parce que, de cette façon, la proie reste le plus près possible de son état naturel. En pareil cas, la chenille aura conscience d’être dévorée de l’intérieur sans avoir aucun moyen de s’y opposer. L’acte semble d’une cruauté absolue mais c’est raisonner selon notre propre code moral : il n’y a pas ici de cruauté mais simplement de l’indifférence. La guêpe ne poursuit qu’un dessein : assurer le développement et le bien-être de sa progéniture et tant pis pour l’individu qui se trouve alors sur sa route.
 
     Cet exemple n’est pas isolé : on projette parfois à la télévision des reportages sur la même façon d’agir d’une
guêpe géante d’Amazonie qui, campée devant le nid d’une mygale, provoque suffisamment de vibrations pour faire sortir l’araignée. Le combat qui suit se termine souvent par la paralysie de la mygale qui, ici aussi, sera anesthésiée vivante pour servir de repas à répétition aux larves de la guêpe…
 
     Le monde des insectes est, on le voit, particulièrement féroce (il suffit de penser à une simple toile d’araignée ou aux combats sans merci des colonies d’insectes sociaux) et ce monde reflète assez bien la compétition engagée entre les différents individus d’un écosystème.

 
 
 
le lion et la gazelle
 
 
     Chez les mammifères, la situation n’est en définitive pas différente. Prenons l’exemple du lion, le roi des animaux, celui qui, dans la savane africaine, est au sommet de l’échelle alimentaire. Peut-on dire de lui qu’il (ou elle car c’est le plus souvent la lionne qui chasse) est cruel lorsque, après avoir pris par surprise une gazelle, il la dévore vivante, guetté par l’ensemble de sa tribu qui attend qu’il soit rassasié pour s’approcher. Il prend son temps, le lion ; il grogne, fait mine de vouloir attaquer un ou deux lionceaux trop entreprenants, secoue sa proie pour l’immobiliser un peu plus, contemple longuement son entourage pour faire valoir sa suprématie avant que de poursuivre son repas. Pendant tout ce temps, la gazelle agonise dans d’atroces souffrances. Si la Nature était concernée, qu’elle soit un tant soit peu bienveillante ou généreuse, elle aurait inventé un mécanisme pour abréger son supplice : un mécanisme qui, sous le coup de l’agression, aurait provoqué l’arrêt brutal de son cœur ou bien la sécrétion d’un anesthésique quelconque atténuant sa souffrance. Il n’existe rien de tel : le gène qui aurait peut-être permis cela n’a jamais été sélectionné par l’évolution parce que ce qui compte pour une gazelle, c’est de courir le plus vite possible et d’être toujours à l’écoute. Pas de ne pas souffrir. On peut même se demander si cette souffrance n’a pas été sélectionnée parce que, dans le fond, elle rend les gazelles encore plus sensibles et donc d’autant plus méfiantes et peureuses…
 
     La Nature n’a que faire des sentiments humains : on n’y retrouve ni bonté, ni pitié, ni même ce qui ressemblerait à un début de remords. Le
lion – toujours lui mais c’est également vrai pour d’autres animaux – ne supporte pas les enfants qui ne sont pas de lui. Ce que son instinct lui dicte, c’est de transmettre ses gènes, pas l’ADN d’un autre. C’est la raison pour laquelle, après avoir chassé le mâle ayant fécondé la lionne, il s’intéresse aux lionceaux qui gambadent près d’elle et qui lui sont étrangers. Il s’approche et fait mine de jouer avec eux. Quelques coups de patte pour obtenir la réaction du lionceau qui se prend au jeu. Mais le lion devient violent et le petit ne comprend pas et hésite. Alors, d’un seul coup, l’adulte lui brise la nuque. Il en fera de même avec tous les rejetons à ses yeux illégitimes, sous le regard de la lionne qui ne bouge pas. Ce qui compte, ce qui est inscrit dans son ADN, c’est que c’est sa propre descendance qu’il doit assurer. Celle du plus fort. Celle de celui qui a conquis la lionne. C’est cela la sélection naturelle. A nos yeux, cela paraît infiniment barbare mais c’est ainsi et l’a toujours été. Nature indifférente, vous disais-je.
 
 
 
présence de l'Homme
 

     Les hommes ont du mal à comprendre cette absence totale de compassion. Il leur est difficile de ne voir dans la Nature que la justification du vieil adage « la fin justifie le moyen ». Cela leur est pénible parce que leur intellect plus développé leur permet d’afficher un certain recul face à des situations conflictuelles, de défendre des attitudes morales qui échappent à la simple mécanique de la violence et du résultat immédiat. Je sais ce que certains vont me répondre : que je dresse un tableau trop noir de la Nature sauvage, qu’il existe également chez l’animal des comportements altruistes… J’ai pourtant bien peur qu’il s’agisse là encore d’une illusion : chaque fois que les scientifiques se sont penchés sur ces comportements, d’ailleurs plutôt exceptionnels, ils ont pu mettre en évidence la recherche d’un bénéfice secondaire pour celui qui en est l’auteur. Sans, bien sûr, que celui-ci en soit lui-même conscient… J'ai d'ailleurs consacré un article à ce sujet (voir insectes sociaux et comportements altruistes).
 
     L’Homme, selon la définition bien connue, est un « animal moral ». Il est même le seul à vrai dire qui soit ainsi dans la Nature, à
l’exception de certains grands primates comme les bonobos ou les chimpanzés (et ce n’est certainement pas un hasard si ces derniers, comme je l’expliquais dans un sujet précédent : le dernier ancêtre commun, sont nos plus proches parents). La civilisation, une certaine culture sont les conséquences de notre condition particulière. Mais l’homme est également encore proche de la vie naturelle et, à ce titre, il convient, me semble-t-il, de se méfier. L’organisation sociale qui est la nôtre et qui nous permet précisément de ne pas nous comporter en « animal sauvage » est fragile. Notre civilisation est fragile : il faut finalement peu de choses, on le sait bien, pour tout remettre en question. Au fond, entre nous et les animaux, il n’existe qu’une différence de degré, pas de nature. Un sujet à bien méditer.
 
 

Images :
 
photos 2 et 3 : guêpes fouisseuses (sources : loscoat.canalblog.com/)
photo 3 :
repas d'un lion (sources : www.rion-vanwetter.be)

photo 4 : Le portrait d'Edward James (1937) par Magritte (sources : fondation Magritte, Belgique)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : Richard Dawkins - Konrad Lorenz - Jean-Henri Fabre - guêpe fouisseuse - guêpe géante d'Amazonie - mygale - sélection naturelle - comportements altruistes

(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

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Mise à jour : 24 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie, #Évolution






     En 1860, à l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences, le scientifique Thomas Henry Huxley (par ailleurs grand-père de l’écrivain Aldous Huxley), fervent défenseur de la théorie darwinienne de l’évolution, se vit brutalement apostropher par l’évêque d’Oxford, Samuel Wilberforce : « Est-ce par votre grand-père ou votre grand-mère que vous descendez du singe ? » lui demanda l’ecclésiastique, ce à quoi il répondit : « Je préférerais plutôt descendre du singe que d’un homme cultivé utilisant son éloquence et sa culture au profit du mensonge et de la dérision". Le débat qui faisait rage autour de la publication de Darwin tournait à la foire d’empoigne… La réponse à cette question est pourtant simple : l’homme ne « descend » pas du singe, il est LUI-MEME un singe ! Ou pour être plus exact, il fait partie des grands singes. Ce concept ayant encore aujourd’hui bien du mal à se concevoir pour certains, il n’est pas inutile de revenir sur l’origine de l’Homme et essayer de comprendre quelle est sa filiation.

 
 

 

Quelques définitions sont au préalable les bienvenues

 

 
     L’homme fait partie des primates. Inventé par Linné en 1758 (soit 100 ans avant les travaux de Darwin), le terme contient en lui-même une notion de classification puisqu’il provient du latin primus, « à la première place » d’où une « supériorité » supposée et c’est malheureusement ce terme que l’histoire a conservé. (Reconnaissons toutefois à Linné l’idée d’avoir le premier réintroduit l’homme dans le règne animal…). Les grands singes font donc partie des primates et forment une super famille dite des hominoïdés qui se sépare elle-même en deux lignées :
 
* la première regroupe les hominidés qui comprennent les gorilles, les chimpanzés, les bonobos… et l’homme tandis que les pongidés sont essentiellement représentés par l’orang-outang ;
 
* la deuxième lignée quant à elle ne recouvre que les
hylobatidés représentés par les gibbons.
 
     L’homme est donc un « grand singe » avec néanmoins quelques particularités qui ont fait sa bonne fortune et lui ont permis de régner sur la planète commune. Mais d’où viennent-ils donc ces grands singes ?

 
 
 
Origine des primates
 
 
    On se souvient que, lors de la disparition des dinosaures (voir sujet : la disparition des grands sauriens), il existait déjà des mammifères et que ces derniers, compte-tenu de leur relative faiblesse par rapport aux sauriens géants, se contentaient de vivre dans une ombre propice, probablement la nuit. La disparition de leurs prédateurs reptiliens permettra à ces mammifères de tenter – et réussir – une certaine conquête du monde (C’est du moins la théorie qui paraît avoir aujourd’hui le plus d’adeptes parmi les scientifiques mais elle est encore discutée). On pense que, au sein de cette nouvelle famille d’animaux, les primates se sont différenciés à peu près à l’époque de la disparition des grands sauriens puisque le plus ancien d’entre eux, Altiatlasius, date d’environ 60 millions d’années si l’on en croit son fossile retrouvé en Afrique du nord… qui se résume en réalité à quelques dents. Suffisant néanmoins pour que les paléontologues puissent estimer son poids à un peu plus de cent grammes ce qui correspond assez bien à la théorie que nous évoquions plus haut. Rapidement apparaissent de multiples variétés de primates dont la plupart sont arboricoles, se nourrissant principalement de fruits et de baies sauvages (ce qui leur permet d’ailleurs d’acquérir par avantages évolutifs successifs la vision des couleurs). Les millions d’années suivants voient ces primates se diversifier encore et surtout coloniser de nouveaux territoires, Asie et Europe notamment, jusqu’à ce qu’une glaciation, vers – 34 millions d’années, décime les représentants européens, les asiatiques (et les africains) seuls continuant leur développement.
 
    En fait, la grande époque des mammifères – et donc des primates – se situe il y a environ 15 millions d’années, une époque où le climat commence à se réchauffer. On trouve alors des singes hominoïdes, des cercopithèques, etc., en Afrique, bien sûr, mais également un peu partout ailleurs. C’est probablement à partir de cette date que les grands singes font leur apparition, une de leurs principales caractéristiques étant de ne plus posséder de queue préhensible ce qui traduit la perte de leur statut arboricole exclusif. Le fossile le plus connu de ces temps anciens est
Proconsul, une famille de grands singes dont l’absence de queue déjà signalée (arboricole, il devait se déplacer en marchant sur les branches sans se suspendre comme précédemment), le volume du cerveau (bien supérieur par exemple à celui du gibbon) et la longueur des bras en font les premiers représentants connus des hominoïdés. C’est il y a une dizaine de millions d’années que la séparation entre la lignée qui donnera l’homme et les autres grands singes africains a eu lieu.

 
 
 
 
 

Origine de l'homme

 
 
    Outre les fossiles, le moyen d’établir une relation entre les différentes espèces consiste à agencer ce que l’on appelle un arbre phylogénétique (voir glossaire) grâce à l’anthropologie moléculaire. En effet, cette discipline relativement récente permet la comparaison du matériel génétique des espèces étudiées et détermine ainsi leur plus ou moins grande proximité. Que nous dit-elle ?
Avant tout que les pongidés (orang-outang), les gorillinés (gorille) et les panidés (chimpanzé, bonobo) possèdent tous 48 chromosomes alors que l’homme, comme on sait, n’en possède que 46. Des travaux récents (2006) semblent montrer que cette différence est due à la fusion de deux paires de chromosomes {2p, 2q} de l'ancêtre commun aux humains, aux chimpanzés et aux bonobos en la paire de chromosomes {2} du genre Homo, le genre Pan ayant conservé les deux paires de chromosomes {2p, 2q} de l'ancêtre commun et donc 48 chromosomes. C’est par conséquent à partir de cette séparation d’avec les panidés que la lignée qui conduit à l’homme s’est individualisée, lignée regroupant divers australopithèques (voir glossaire) et le genre Homo. Toutes les espèces ayant constitué ce groupe sont aujourd’hui éteintes à l’exception, notable, de Homo sapiens, l’homme. Rappelons que la dernière espèce d’Homo non sapiens était Homo neandertalensis, l’homme de Néandertal, disparu il y a seulement 30 000 ans (et ayant donc vécu en même temps que Homo sapiens) comme le rappelle un sujet déjà publié (Néandertal et Sapiens, une quête de la spiritualité). Il est dès lors tentant de chercher à découvrir quel put être ce dernier ancêtre commun à tous les Homo.
 
 
 
 
        
Le dernier ancêtre commun
 
 
     Jusqu’à présent, il n’a pas été découvert. De nombreux fossiles ont été proposés au fil des années par les paléontologues mais, au bout du compte, aucun n’a été retenu. En réalité, il n’est pas certain qu’il ait existé un « ancêtre » parfaitement individualisé, l’apparition des différents représentants de la lignée ayant été probablement progressive (voir l’annexe). Essayons quand même de deviner ce qu’il a été (ou aurait pu être) en reprenant les différentes notions que nous possédons sur ces lointains ancêtres.
 
     Ce que l’on sait, c’est que les premiers représentants du groupe ayant conduit à l’homme après la séparation (les paléontologues utilisent volontiers le terme de « bifurcation ») d’avec les panidés possédaient 46 chromosomes, on l’a déjà dit. Pour le reste, il était certainement de petite taille (comme les australopithèques et les Homo qui lui ont succédé), peut-être 1 mètre de hauteur, tandis que son cerveau était relativement peu volumineux (300 à 400 cc) par comparaison avec l’homme moderne mais c’était déjà beaucoup pour l’époque. Il était certainement arboricole mais avec peut-être déjà une pratique partielle de la bipédie. Omnivore, il vivait probablement en communauté avec ses semblables. Il devait en outre être capable d’utiliser certains outils rudimentaires puisque c’est déjà le cas des grands singes comme le gorille ou le chimpanzé ce qui l’a peut-être amené à être capable d’imiter et donc d’apprendre. Plus spéculative est la notion qu’il ait possédé une conscience de lui-même mais, après tout, pourquoi pas ? En revanche, il semble peu vraisemblable qu’il ait disposé d’une réelle dimension culturelle puisque celle-ci n’a été retrouvée bien plus tard que chez Néandertal et Sapiens (mais encore faut-il s’entendre sur ce que l’on appelle culture).
 
     Le dernier ancêtre commun dont je viens de dresser le portrait n’a probablement jamais existé : il s’agit plutôt de l’apparence de certains de nos ancêtres préhumains. Il n’empêche : qu’il ait existé un vrai « ancêtre » dont les caractéristiques étaient suffisamment humaines pour nous être directement relié (ce qui est peu probable) ou que ce soit comme cela est plus vraisemblable toute une armée d’espèces intermédiaires ayant acquis très progressivement les caractères qui sont les nôtres aujourd’hui, la leçon est la même : nous venons de loin, de très loin. Ceux qui nous ont précédé sont nombreux ; ils sont parfois proches de nous, parfois très différents au point que certains de nos contemporains seraient choqués de les rencontrer s’ils existaient encore. Ces êtres ont vécu, souffert, lutté pour que nous soyons là aujourd’hui sans, bien entendu, l’avoir jamais su ou voulu. C’est un héritage dont nous devons avoir conscience.
  
     La lignée des grands singes est en voie d’extinction : les derniers représentants de ces espèces qui dominèrent en partie le monde d’alors risquent de prochainement disparaître définitivement, à l’exception d’Homo sapiens (et encore cela est-il certain ? mais il s’agit là, c’est vrai, d’une autre histoire). Cela devrait nous prémunir contre l’arrogance des dominants d’aujourd’hui et, bien au contraire, nous pousser à une certaine humilité.

 
 
 
 
 


Images

2. arbre phylogénétique des primates (source : laplume.info)
3. néandertal et sapiens (source : cosmosmagazine.com)
4. Lucy, australopithèque afarensis (source : topsfieldschools.org)
 
(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

Glossaire (sources : wikipedia France)

* arbre phylogénétique : un arbre phylogénétique est un arbre schématique qui montre les relations de parentés entre des entités supposées avoir un ancêtre commun. Chacun des nœuds de l'arbre représente l'ancêtre commun de ses descendants ; le nom qu'il porte est celui du clade (en taxinomie récente, un clade, du grec clados qui signifie « branche », est une partie d'un cladogramme, une branche contenant un ancêtre et tous ses descendants) formé des groupes frères qui lui appartiennent, mais non celui de l'ancêtre qui reste impossible à déterminer. L'arbre peut être enraciné ou pas, selon qu'on est parvenu à identifier l'ancêtre commun à toutes les feuilles.

*
australopithèques : hominidés vivant il y a 4 à 1 millions d'années avant notre ère en Afrique. Ils mesuraient environ 1 m à 1,50 m. Leur cerveau étaient assez modeste 400 à 500 cm3, d'allure trapue, la face massive et prognathe. C’est à un de ces groupes d’australopithèques qu’appartient la fameuse Lucy (australopithèque afarensis) dont on sait donc aujourd’hui qu’elle ne peut pas avoir été un ancêtre direct de l’homme (voir note suivante).

*
Lucy : la découverte de Lucy fut très importante pour l’étude des australopithèques : il s’agit du premier fossile relativement complet qui ait été découvert pour une période aussi ancienne. Lucy compte en effet les fragments de 52 ossements dont une mandibule, des éléments du crâne mais surtout des éléments postcrâniens dont une partie du bassin et du fémur. Ces derniers éléments se sont révélés extrêmement utiles pour reconstituer la locomotion de l’espèce Australopithecus afarensis. Si Lucy était incontestablement apte à la locomotion bipède, comme l’indiquent son port de tête, la courbure de sa colonne vertébrale, la forme de son bassin et de son fémur, elle devait être encore partiellement arboricole : pour preuve, ses membres supérieurs étaient un peu plus longs que ses membres inférieurs, ses phalanges étaient plates et courbées et l’articulation de son genou offrait une grande amplitude de rotation. Sa bipédie n’est donc pas exclusive et sa structure corporelle a été qualifiée de « bilocomotrice » puisqu’elle allie deux types de locomotion : une forme de bipédie et une aptitude au grimper.
    Lucy est probablement un sujet féminin si l’on en juge par sa petite stature et les caractéristiques de son sacrum et de son bassin. Elle devait mesurer entre 1,10 m et 1,20 m, et peser au maximum 25 kg. Elle est morte à environ 20 ans et le fait que ses ossements n’aient pas été dispersés par un charognard indique un enfouissement rapide, peut-être à la suite d’une noyade.
    Répertoriée sous le code AL 288-1 , Lucy a été surnommée ainsi par ses découvreurs (Y. Coppens, D. Johanson et M. Taïeb) car ces derniers écoutaient la chanson des Beatles « Lucy in the Sky with Diamonds » le soir sous la tente, en répertoriant les ossements qu'ils avaient découverts.




Annexe : une transformation progressive jusqu’à l’homme d’aujourd’hui

(les lignes qui suivent sont tirées de l’excellent livre de Lee M. Silver : « Challenging Nature » paru en 2006 chez HarperCollins, New York, USA. L’auteur est professeur de biologie moléculaire à l’université de Princeton. Comme il n’existe pas, à ma connaissance, d'édition française de cet ouvrage, je me suis efforcé de présenter une traduction la plus fidèle possible au texte d’origine, texte que je tiens évidemment à la disposition de toute personne qui en ferait la demande).

« De la même façon qu’il n’existe pas de séparation réelle entre les différentes couleurs composant le spectre lumineux, il n’existe pas de réelle séparation entre l’espèce humaine et ses ancêtres non humains. Il n’y a jamais eu de premier homme ou de première génération d’hommes. Au lieu de cela, selon les propres mots de Darwin, « un nombre incalculable de formes intermédiaires doit avoir existé ». Les scientifiques aujourd’hui ont une vision bien plus précise d’où et quand nos ancêtres simiesques ont vécu. Il y a cinq millions d’années, une simple femelle de grand singe non humain a été la mère commune d’une descendance ayant conduit aux trois espèces encore vivantes de nos jours : les hommes, les chimpanzés et les bonobos. Les enfants de cette mère originelle se sont unis avec d’autres grands singes de leur propre espèce qui ont eu des enfants qui ont eu des enfants et ainsi de suite durant plusieurs centaines de milliers de générations... À aucun moment de cette évolution, les enfants ne sont apparus ou se sont comportés différemment de leurs parents. Pourtant, au départ, il y avait de grands singes non humains et, à la fin de la lignée, des hommes. Les hommes ne sont apparus à aucun moment particulier au cours du temps. Ce sont plutôt les organismes non humains qui ont progressivement évolué par de légères modifications partiellement humaines jusqu’à lentement aboutir à l’espèce que nous appelons Homo sapiens.

    Nous n’avons jamais rencontré d’êtres partiellement humains parce que, au cours des trois derniers millions d’années, nos ancêtres ont éliminé, directement ou non, tous les autres êtres partiellement humains qui ne leur ressemblaient pas réellement. Des douzaines d’espèces partiellement humaines ont erré dans les différentes parties de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique à des moments différents. Aussi récemment qu’il y a 30 000 ans, dans les forêts européennes, des membres de notre propre espèce sont entrés en compétition pour la nourriture et le gite avec Homo neandertalensis (plus familièrement appelé homme de Néandertal). Et il y a tout juste 18 000 ans des descendants d’Homo erectus vivaient encore sur l’île indonésienne de Florès. Nos ancêtres sont presque certainement responsables de l’extinction de ces deux espèces, comme, de la même manière, de celle des espèces partiellement humaines antérieures, y compris Homo abilis et Homo ergaster. Le résultat c’est que, aujourd’hui, nos parents vivants les plus proches sont les chimpanzés et les bonobos. »

 

 

 

Mots-clés : Linné - altiatlasius - proconsul - anthropologie moléculaire - arbre phylogénétique - australopithèque - Lucy - homo sapiens - homo neandertalensis - chimpanzé - bonobo - homme de Florès

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

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Mise à jour : 25 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #médecine







 

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le serment d’Hippocrate





 

    Il y a quelques mois, en abordant le délicat problème de l’homéopathie, j’avais évoqué le nombre incroyable de techniques et/ou approches thérapeutiques non officielles existantes, celles que l’on range souvent dans le catalogue extensible des médecines parallèles (autrement appelées « médecines douces »). Il est temps aujourd’hui de revenir sur l’utilisation de ces méthodes plutôt mal connues.

 
   Précisons d’emblée que le recours à des pratiques médicales non éprouvées n’est pas un évènement marginal : la Direction Générale de la Santé estime qu’entre
30 et 50% de la population de notre pays ont recours de manière régulière à ce type de pratique. Il s’agit là d’un réel phénomène de mode qui, le plus souvent et heureusement, vient compléter la médecine officielle. Toutefois, hélas, ce n’est pas toujours le cas et c’est là que le bât blesse : promettre, par exemple, la guérison d’un cancer par un travail psychologique isolé destiné à  « prendre en charge – et donc éradiquer – le processus tumoral par un rééquilibrage des fonctions naturelles » tient, au mieux, du charlatanisme et, plus probablement, de la non assistance à personne en danger (au minimum)… Mais revenons d’abord un instant sur ce que l’on appelle la santé.

 

 

 

 

 évolution de la notion de santé

 

    

Selon l’OMS, la santé « renvoie à un état de total bien-être physique, social et mental de l’individu » ce qui, effectivement, est loin de la formulation ancienne qui se résumait à une absence de maladie. Le problème est que tout ce qui n’est pas maladie ou infirmité échappe le plus souvent aux professionnels de santé et aux structures de soins. On comprend dès lors mieux la possibilité d’activités médicales exotiques dans ce domaine plus imprécis et l’irruption de thérapeutes autoproclamés, voire de gourous plus ou moins bien intentionnés.  La notion de santé (on disait jadis bonne santé) variant selon les latitudes et les personnes, de nombreuses « techniques » prétendent la conserver ou la recouvrer : on estime qu’il existe plus de trois cent méthodes différentes, la quasi-totalité d’entre elles échappant à toute tentative d’évaluation quelque peu crédible.  Comme toujours, il existe bien des nuances qui juxtaposent l’acceptable et le pire : puisque de nouvelles « approches » apparaissent constamment – l’imagination de ces nouveaux thérapeutes n’ayant d’égale que la crédulité de leurs victimes  –  il est bien difficile de tenir une liste à jour. Essayons néanmoins d’y voir plus clair.

 

 

 

 

réalité des médecines parallèles

 


     Les médecines parallèles, aujourd’hui, se vendent bien et on peut les classer en deux groupes différents selon qu’elles sont pratiquées par des professionnels de santé ou de simples amateurs. Il est bien entendu impossible de les énumérer toutes (d’autant qu’elles varient d’un pays à l’autre) et pour celles que l’on citera on trouvera un bref résumé en fin de sujet. Je tiens d’ailleurs à préciser que les techniques rapportées ci-après ont été choisies au hasard parmi des centaines de postulants :  elles ne sont donc citées qu’à titre d’exemples…

 

*
médecines parallèles pratiquées par des professionnels de santé

 
     Bien qu’elles ne soient en aucune façon enseignées par les facultés de médecine, elles sont pratiquées par des personnes qui ont reçu une formation médicale, le plus souvent des médecins mais pas forcément. On trouve dans cette catégorie
l’homéopathie à propos de laquelle j’ai déjà eu l’occasion d’écrire un sujet (voir l’article : l’homéopathie), l’acupuncture, l’auriculothérapie, l’ostéopathie, la naturopathie, la réflexologie, l’iridologie et bien d’autres encore.  On les pratique au vu et au sus de tout le monde, certaines d’entre elles étant même remboursées par la Sécurité sociale.  De nombreux médecins signalent les pratiquer sur leurs plaques professionnelles, à l’entrée de leurs cabinets, et leur prise en charge par le corps médical ne cesse de croître (environ 10% des médecins inscrits à l’Ordre des Médecins, un chiffre variable selon les départements, avouent y recourir).  On ne sait pas faire aujourd’hui la part de ce qui revient à l’impact thérapeutique réel de ces techniques et de ce qui résulte d’un simple effet placebo mais leur évaluation a été confiée à l’INSERM par la Direction générale de la santé.  Ce que l’on peut en revanche affirmer, c’est qu’elles sont généralement mises en œuvre par des professionnels avertis qui ne manqueront théoriquement pas de s’en remettre à des approches plus codifiées en cas de nécessité…

 

*
médecines parallèles pratiquées par des amateurs

 

On entend par « amateur » toute personne n’ayant pas suivi de cursus médical spécifique. Ces « médecines » peuvent relever de traditions historiques, d’une approche ethnique ou culturelle, de la simple idéologie et, pour un nombre conséquent d’entre elles, du pur charlatanisme.  C’est dans ce groupe forcément hétérogène que l’on trouve l’anthroposophie, la biothérapie gazeuse, l’urinothérapie, la kinésiologie, la médecine ayurvédique, la chromothérapie, la cristallographie, la gemmothérapie, etc. (voir descriptif sommaire en fin de sujet).  Quand ces médecines parallèles sont exécutées en sus de la médecine officielle, le risque n’est pas bien grand (encore que..)  mais il en va tout autrement lorsque – comme c’est souvent les cas – elles prétendent  agir seules : en pareil cas, attention, danger !  Même lorsque la médecine officielle a épuisé toutes ses possibilités, elles restent éminemment nuisibles : j’ai en mémoire nombre de cas de malheureux qui ont dispersé leurs dernières forces dans des voies sans issue ayant rendu leurs derniers jours particulièrement pénibles…

 

 

 

 

médecines parallèles et dérives sectaires

 


     Il est parfois bien difficile de faire la part de ce qui est illégal et de ce qui ne l’est pas. La frontière, ici, entre prescriptions tolérables (et parfois même utiles) et charlatanisme est ténue : tout dépend de l’utilisation qui est faite. C’est la raison pour laquelle les Pouvoirs publics s’intéressent de près à la question, aidés en cela par la Miviludes (Mission Interministérielle de VIgilance et de Lutte contre les DErives Sectaires). Le représentant de l’Ordre des médecins au sein du conseil d’orientation de la Miviludes, Daniel Grunwald, avoue toute la difficulté à faire passer un message clair : « Les médecines dites douces ne sont pas, en elles-mêmes, dangereuses, affirme-t-il, et peuvent même être utiles dans certains cas… et, dans d’autres cas, devenir franchement dangereuses. Il n’y a pas d’un côté, le licite, de l’autre, l’illicite. Tout dépend de l’utilisation qui en est faite… » Dans un cadre précis, elles peuvent se révéler intéressantes, ajoute-t-il, « par exemple, pour des troubles fonctionnels isolés, ou bien à titre symptomatique, lors d’affections reconnues. Il faut, bien sûr, que les produits prescrits, s’ils ne sont pas scientifiquement éprouvés, soient garantis sans risques iatrogènes (voir glossaire), sans contraintes anormales, notamment financières, et que les patients soient dûment informés et consentants. Enfin et surtout, ces thérapeutiques ne doivent en aucune façon remplacer les conseils et prescriptions adaptés qui découlent des données actuelles de la science ! » (sources : Bulletin national de l’Ordre des médecins, N°4, avril 2008).

 

 

 

 

médecines parallèles, loi et déontologie

 


   Il existe des similitudes entre le travail de déstructuration mentale organisé par les sectes et les adeptes inconditionnels de certaines médecines parallèles.  C’est le cas quand, par exemple, les tenants d’une « médecine exotique » refusent de permettre la moindre discussion sur la technique retenue qu’ils jugent incritiquable.  Leur croyance relève alors de la foi et si, d’aventure, on se risque à avancer qu’aucune évaluation objective de la théorie en cause n’a été faite, qu’il est impossible d’affirmer sereinement non seulement le bien-fondé mais la réalité des résultats obtenus, ils se récrient qu’il s’agit « d’un complot de la médecine officielle dont le seul but est de pérenniser ses revenus et d’asseoir son autorité. » Que faire face à une telle incompréhension ?  Avant tout, il convient de chercher à convaincre la personne, de la façon la plus paisible et la plus dépassionnée possible, non de forcément renoncer à son approche mais de réfléchir ; il faut la persuader de se renseigner auprès de malades ayant eu recours à la technique - et singulièrement ceux parfois nombreux qui ont été rejetés par les adeptes de la soi-disant thérapie – afin de connaître leur sentiment. Si cela est possible, il faut essayer de faire apparaître les réelles motivations du « thérapeute » qui, généralement, n’ont rien de médical mais relèvent le plus souvent, ici d’une idéologie partisane, là d’un évident bénéfice financier. Il est important que la personne comprenne qu’on ne la juge pas, qu’on ne souhaite certainement pas la faire se renier, qu’on ne cherche soi-même aucun bénéfice personnel et, surtout, qu’on n’intervient que parce que qu’on la croit en danger. Enfin, si tous ces efforts demeurent infructueux, il est indispensable de lui faire savoir qu’il sera toujours temps de faire machine arrière et qu’on l’aidera alors du mieux qu’on le pourra et sans arrière-pensée : en pareil cas, l’orgueil des uns et des autres n’a aucune place.

 

Pour les fauteurs de trouble et autres gourous en mal de renommée, la réponse est plus facile car le côté affectif et douloureux est presque toujours absent : il suffit de s’en tenir à la Loi qui doit être identique pour tous avec, dans le cas plus particulier des médecins, un renvoi à leur code de déontologie, dont je rappellerai pour conclure quelques uns des principaux articles se rapportant à ce sujet :

 

. article 30 : « Est interdite toute facilité accordée à quiconque se livre à l’exercice illégal de la médecine. »

 

. article 39 : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique du charlatanisme est interdite. »

 

. article 21 : «  Il est interdit aux médecins, sauf dérogations accordées dans les conditions prévues par la loi, de distribuer à des fins lucratives des remèdes, appareils ou produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé. Il leur est interdit de délivrer des médicaments non autorisés. »

 

. article 32 : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande,  le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science (…). »

 

(Sources : Bulletin national de l’Ordre des Médecins)

 

 

Voici donc pour les médecins mais pour tous il y a évidemment la loi que nul n’est censé ignorer et à laquelle force doit rester.
 

 

 

Nota : un cas particulier, le refus de transfusion sanguine

 


   On sait que les témoins de Jéhovah refusent la moindre transfusion sanguine.  La loi  du 4 mars 2002 est très explicite sur ce sujet : elle affirme que « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne… » même si elle ajoute que « si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. » (Sources : Bulletin national de l’Ordre des médecins)

 

Que faire donc si la personne refuse les soins ? Le médecin ne risque-t-il pas d’être poursuivi sur un autre plan juridique, celui de la non-assistance à personne en danger ? Il arrive alors que, considérant qu’il s’agit de la mise en cause à cours terme d’un pronostic vital, le médecin passe outre. La jurisprudence lui donne souvent raison : aucune violation du droit au refus de soin ne pourra lui être opposé (même exprimé par le patient ou sa famille) pour peu qu’il ait accompli un « acte indispensable à la survie du malade et proportionnel à son état ».  Douloureux cas de conscience qu’il est bien difficile de gérer…

 

Ajoutons que, dans le cas des mineurs, le médecin doit prendre les décisions qu’il juge nécessaire à la santé du mineur, même contre l’avis des parents.
 

 

 

 

Glossaire

 

risque iatrogène :  une maladie, un état, un effet secondaire, etc... sont iatrogènes lorsqu'ils sont occasionnés par le traitement médical  En grec le mot signifie littéralement "provoqué par le médecin" (iatros : médecin ; génès : qui est engendré), ou par d'autres professionnels de la santé, par exemple par un pharmacien. (in Wikipedia France)

 

 

 

 

Annexe : descriptif rapide des techniques évoquées


(les notions brièvement décrites ci-après – et forcément rudimentaires – sont tirées de l’encyclopédie en ligne Wikipédia France. Pour en savoir plus sur les différents sujets, se rendre sur le site de Wikipédia qui donne certaines explications et les liens nécessaires.)

 

 

* acupuncture : l'acupuncture ou acuponcture (du latin : acus, "aiguille" et pungere "piquer") dont la caractéristique la plus représentative est son traitement par implantation d'aiguilles, constitue l'une des composantes de la médecine traditionnelle chinoise. L'acupuncture traditionnelle est un art thérapeutique qui élabore son raisonnement diagnostique et thérapeutique sur une vision énergétique taoïste de l'Homme et de l'univers : l'Homme, microcosme, organisé à l'image du Macrocosme universel, s'en trouve donc soumis aux mêmes règles, qui devront inspirer son mode de vie, et serviront de trame à l'élaboration de l'acte médical. L'efficacité de l'acupuncture fait toujours débat au sein de la communauté scientifique.

 

* auriculothérapie : l'auriculothérapie, ou acupuncture auriculaire, est une pratique de médecine non-conventionnelle se voulant diagnostique et thérapeutique mise au point dans les années 1950 par le Dr Paul Nogier, médecin généraliste lyonnais. Elle repose sur l'hypothèse qu'il existerait une correspondance entre l'oreille externe et les différents organes du corps, ou somatotopie. Il serait alors possible dans certains cas de soigner ces différents organes en piquant le pavillon de l'oreille à l'aide d'aiguilles stériles.

 

* ostéopathie : l'ostéopathie est une médecine non conventionnelle créée par Andrew Taylor STILL (1828-1917), essentiellement basée sur des techniques manuelles, et repose sur quatre concepts :

a. L'unité : celle du corps (toutes les parties sont reliées, par la vascularisation, le  système nerveux et le tissu conjonctif), mais aussi de l'être humain dans sa globalité, rassemblant ses aspects physique, émotionnel, mental, intellectuel, spirituel.

b. L'interrelation entre la structure et la fonction : un organe ne pourrait fonctionner correctement que si sa configuration tridimensionnelle est conforme à celle d'origine, et inversement.

c. La capacité d'autoguérison : le corps humain disposerait de toutes les capacités d'adaptation et de défense nécessaires. Les ostéopathes fondent leur réflexion sur les conditions qui ont mis ces moyens en défaut, et tentent de lever l'obstacle.

d. "Le rôle de l'artère est absolu" : toute structure somatique non atteinte d'une lésion organique est capable de fonctionner normalement, pour peu que sa vascularisation soit correcte - et que l'alimentation ait fourni des nutriments qualitativement et quantitativement suffisants.

 

* naturopathie :  la naturopathie est une médecine non conventionnelle visant à « rééquilibrer » le fonctionnement de l'organisme par des moyens « naturels » : alimentation, hygiène de vie, phytothérapie, massages, exercices, etc., et psychologie pour la « naturopathie rénovée » qui place le désordre psycho-émotionnel en tête de liste des déséquilibres physiologiques qui en découlent.

 

* réflexologie : la réflexologie est une discipline médicale non conventionnelle de type massage. Elle repose sur le postulat infondé scientifiquement selon lequel chaque organe, glande partie du corps ou fonction physiologique correspondrait à une zone ou un point sur les mains, les pieds ou les oreilles. Un toucher spécifique appliqué sur ces zones permettrait ainsi de localiser les tensions et de rétablir l'équilibre du corps. Pour ses praticiens, la réflexologie libérerait les facultés d'auto-guérison de l'organisme et permettrait de soulager divers troubles sans traitement médicamenteux... Cette technique manuelle se place dans une approche énergétique et globale du corps. Elle s'apparente au shiatsu ou à l'acupuncture.

 

* iridologie : techniques de diagnostic et de prévention, l’iridologie est fondée sur l’examen minutieux de l’iris pour évaluer la constitution de l’individu et déterminer ses prédispositions à la maladie.

 

* anthroposophie : la médecine anthroposophique est une forme de médecine non conventionnelle pratiquée à partir des années 1920. Selon les théories de l'anthroposophie, il faut, dans la démarche thérapeutique, tenir compte, notamment, des trois composantes de l'être humain : corps, âme et esprit et des relations entre l'homme et l'univers.  Pour cela elle utilise des médicaments issus des règnes minéral, végétal et animal et des dynamisations de type homéopathique mais aussi des remèdes à concentrations plus élevées qui s'apparentent à de la phytothérapie. Bien que recourant à des dilutions homéopathiques pour certains médicaments, la médecine anthroposophique est spécifique et bien distincte de l'homéopathie. En général, en médecine anthroposophique, on utilise des dilutions décimales. Cette médecine fait également appel à des thérapeutiques artistiques et à des soins externes (massages, enveloppements...).

 

* biothérapie gazeuse :  présentée comme une médecine de terrain dérivée de l'homéopathie, la biothérapie gazeuse procède par injection de gaz dilués et dynamisés. Crée par le Docteur Fix, elle est censée notamment agir sur les allergies et sur les rhumatismes, principalement dans le syndrome du canal carpien et dans les arthroses du genou. Elle reste à ce jour totalement non évaluée.

 

* urinothérapie : elle est également appelée Amaroli qui est le nom donné en Inde à la pratique qui consiste à boire une partie de son urine pour entretenir sa santé ou se soigner. En Occident elle est appelée urinothérapie, ou auto-urine thérapie.  Cette technique, non évaluée, a de nombreux adeptes en Asie (Japon), en Europe (surtout Allemagne et Pays-Bas) et aux USA. 

 

* kinésiologie : la kinésiologie est l'étude des mouvements humains.  Enseignée dans plus de 100 pays (il existe des diplômes spécifiques au Canada), elle se divise en un grand nombre de techniques dont certaines à buts thérapeutique ou diagnostique (kinésiologie harmonique, kinésiologie hypersens, édukinésiologie, kinésiologie spécialisée). Son évaluation reste à faire.

 

* médecine ayurvédique : l'Ayurveda ou « médecine ayurvédique » est une médecine indienne qui puise ses sources dans les textes sacrés des Veda (environ - 3 900 ans av. J.-C. à - 1500 ans av. J.-C.) et dont les principes sont ceux de ce qu'on appelle aujourd'hui la « médecine naturelle », ce qui signifie qu'ils respectent les lois de la Nature. En l'occurrence il s'agit d'une approche dite holistique de la culture védique qui constitue les prémices de l'hindouisme. L'utilisation du mot Veda, qui signifie Connaissance, indique l'importance de l'Ayurveda en Inde. L'Ayurveda propose un bien-être durable dans la vie, tant individuelle que familiale et sociale. Elle est censée replacer l'homme dans sa dimension à la fois physique et spirituelle.

 

chromothérapie : la chromothérapie ou thérapie des couleurs est une médecine alternative. Elle est utilisée pour équilibrer l’énergie personnelle, sur un plan physique, mental, émotionnel ou spirituel.

La méthode standard de diagnostic utilisée en chromothérapie a été développée par le Dr Max Luscher au début du vingtième siècle. La chromothérapie remonte aux temps les plus anciens, probablement aux origines de la médecine ayurvédique (voir plus haut). La tradition indienne associe les couleurs aux chacras. On trouve aussi des traces de l’utilisation thérapeutique des couleurs dans la civilisation chinoise antique. La médecine traditionnelle chinoise associe une couleur à chaque organe.

La chromothérapie utilise les couleurs sur différents supports : pierres et gemmes, bougies, prismes, vêtements ou verres teintés, par exemple. Les couleurs ayant un effet à la fois positif et négatif, la chromothérapie fonctionne selon des règles très subtiles.

Son évaluation scientifique n’a jamais été faite.

 

* cristallothérapie : d’après ses promoteurs, la lithothérapie ou cristallothérapie utiliserait l’énergie des pierres pour réharmoniser les chakras et les corps subtils et rétablir l’équilibre du corps, de l'âme et de l'esprit. Elle aiderait sur le plan physique, psychologique et spirituel par la libération de certains blocages émotionnels et par les prises de conscience qu’elle permettrait.  Il s’agit d’une discipline non conventionnelle qui n’a jamais pu être évaluée scientifiquement.

 

* gemmothérapie :  La gemmothérapie est une médecine non conventionnelle fondée par le docteur Pol Henry, elle utilise des tissus embryonnaires végétaux en croissance tel que jeunes-pousses, bourgeons, radicelles, préparés par macération dans un mélange d'eau, de glycérine et d'alcool pour obtenir un extrait que l'on nomme « macérat glycériné ».

 

 

 

 

Mots-clés : santé - médecines parallèles - médecines douces - médecines alternatives - Direction Générale de la santé - INSERM - Miviludes - code de déontologie médicale - transfusion sanguine - Témoins de Jéhovah

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 

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Mise à jour : 25 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

 

     Pour le trentième article du blog, il me paraît judicieux de revenir sur les commentaires les plus intéressants parus au fil des jours.  Au delà de la simple information, quelquefois passé inaperçue,  ils pourront peut-être permettre d'approfondir certaines idées... Aujourd'hui : l’éthologie.

Bonne lecture



                                  

 

 

                                                             Konrad LORENZ



 

 

Article : l’agression

 

Sujet : guerres et Histoire

 

Le 18 janvier 2008 (par defdef)

     Je viens de lire ton article et la longue citation de Lorenz qu'il contient. J'ai été particulièrement intéressé par l'hypothèse de l'observateur lointain (en général on dit : vu de Sirius plutôt que de Mars) qui ne comprendrait rien aux mouvements historiques. En tant qu'historien amateur, j'ai souvent réfléchi à cet aspect du problème mais en tant que cartésien, je crois que les conflits et les guerres (la forme la plus élaborée de l'agression) naissent de la raison, contrairement à ce que les philosophes soutiennent habituellement. La prétendue absurdité de la guerre est une idiotie, une illusion d'optique due à ce que des participants insuffisamment informés ou ayant un point de vue très restreint (je veux dire : ne voyant pas l'ensemble de l'enjeu) ont l'impression d'être embringués dans des actes complètement délirants où, de plus, leur survie n'est pas assurée. Mais en fait, chaque déclenchement de conflit relève, pour l'agresseur au moins, d'un calcul rationnel (qui peut être faux par erreur d'estimation des facteurs), tout comme symétriquement chaque capitulation est aussi un calcul rationnel. Tout plan de bataille, même celui qui s'avère le plus désastreux (mai 40, Dien Bien Phu) est aussi le produit d'un calcul parfaitement rationnel dont les facteurs ont été mal évalués. Il y a d'ailleurs longtemps que les grands chefs sont à l'abri des émotions, ce qui explique leurs ordres extrêmes (Lorenz parle de l'émotion comme facteur pacifiant dans ta citation).
     Il y a un autre facteur qui joue un rôle très important dans l'Histoire (et dans la Science) : le hasard.

 

Réponse (par cepheides)

     Je suis assez d'accord avec toi, mon cher defdef, lorsque tu nous dis que, chez l'Homme, la préparation d'un conflit - donc d'une agression - relève de la logique. Il existe assurément de nombreux éléments qui expliquent les sources d'un conflit et beaucoup d'identifiants peuvent être isolés : certains sont assez faciles à reconnaître, d'autres ne le seront que bien plus tard lorsque les observateurs auront eu assez de recul pour retrouver la sérénité, d'autres enfin ne seront sans doute jamais clairement définis et, peut-être, le hasard en a-t-il alors une part. Tous, en tout cas, relèvent de la logique (et pour les agresseurs, en effet, d'un calcul rationnel) pour peu qu'on veuille bien les étudier sereinement et je pense tout à fait comme toi qu'il est absurde de déclarer - avec le politiquement correct - que la guerre est une idiotie (ce qui n'empêche pas de la détester). Toute guerre, effectivement, est rationnelle. Ceux qui pensent le contraire ne sont que des individus qui, à leur échelle, ne possèdent qu'une vue partielle de la situation et là aussi je te rejoins. (Je pense souvent à Stendhal et à sa description par son héros, Fabrice del Dongo - dans la Chartreuse de Parme - de la bataille de Waterloo à laquelle il participe et à laquelle il ne comprend rien tant son observation est parcellaire).
Tout ce que je viens de dire ne me semble nullement contradictoire avec l'analyse des éthologues. Lorenz, par exemple, se contente de souligner qu'il existe chez tout individu des seuils d'activation à partir desquels une agression peut être déclenchée (ou dans le cas d'un conflit interhumain une "adhésion" à l'agression collective) et que cela relève en partie de la génétique. L'agression, individuelle ou collective, est probablement un moyen trouvé par l'Evolution pour permettre l'expression de la pression de sélection, seule à même d'assurer l'adaptation d'une espèce. Il n'y a rien là de bien nouveau. Ce qui est plus novateur, me semble-t-il, c'est de dire que ces réactions ne sont plus en rapport avec les dégâts entrainés du fait de l'avancée de la technologie. L'homme possède un cerveau  - notamment le paléocortex ou cerveau reptilien -  qui réagit encore en fonction de situations très anciennes datant d'un temps où il n'était qu'une créature plutôt faible (on sait à présent que nos ancêtres du paléolithique étaient plus des charognards que des chasseurs à l'image gratifiante). De ce fait, la possibilité de destruction d'une agression est sans commune mesure avec ce qu'elle fut par le passé. Surtout, la distanciation que l'homme moderne ressent par rapport aux conséquences de ses actes agressifs n'active plus vraiment les mécanismes inhibiteurs qu'il possède (des mécanismes inhibiteurs d'ailleurs moins développés, comme le souligne Lorenz, que ceux des grands carnivores puisque l'homme est avant tout un omnivore).
     Il s'agit en somme de deux approches parfaitement complémentaires, tout aussi logiques l'une que l'autre. Je reste persuadé que les actions humaines peuvent parfaitement s'expliquer mais que nombre d'entre elles nous sont encore mal connues. L'éthologie nous apprend ici que les comportements ne s'appuient pas seulement sur des situations bien précises et parfaitement avérées mais également sur des comportements liés à notre héritage biologique. Intéressant, non ?
     Enfin, dans ta dernière phrase, tu fais allusion au hasard, notamment en science. Il y aurait beaucoup à en dire mais il s'agit là d'un autre sujet. On peut néanmoins se poser la question suivante : le hasard n'est-il pas, au fond, que la somme de ce que nous ne pouvons ou ne savons pas décrypter ? L'Evolution, par exemple, avance "au hasard", certes, c'est à dire sans but prédéfini, mais si l'on connaissait TOUS les intervenants physicochimiques en jeu, ne pourrait-on pas prévoir cette évolution ? Vaste (et vieux) sujet...

 

 

Sujet : une illustration de l’agression

 

Le 20 janvier 2008 (par cepheides)

     Voici une anecdote qui va dans le sens de ce qu'écrit Lorenz. Mon ex-femme habite l'Ile de la Réunion et, comme elle a un grand jardin, elle possède 7 teckels des deux sexes. Justement, une des femelles est actuellement en chaleur et, avant-hier, le 18 janvier, le petit chien de ses voisins, attiré par l'odeur de la chienne en chasse, a réussi à pénétrer dans la propriété pourtant bien fermée. Il a immédiatement été attaqué par les teckels mâles. Cela a été plutôt difficile de séparer les protagonistes mais le petit chien a été finalement rendu à ses maîtres. Malheureusement, il est mort quelques heures plus tard de ses blessures... Ce qui m'amène faire deux remarques :
          1. les animaux en groupe - ici en meute - sont toujours plus violents sur un ennemi isolé : celui-ci ne peut pas montrer à tous ses attaquants en même temps sa soumission;
          2. dans un espace clos, la fuite est impossible et, comme le souligne Lorenz, cela se termine le plus souvent par la mort du plus faible. C'est d'ailleurs tout le problème des animaux en captivité.
     Les lois de la Nature sont immuables. Pourquoi ce qui est vrai pour tous les animaux ne le serait-il pas (au moins encore un peu) pour l'Homme ?

 

 

Sujet :  quelques références en éthologie


Le 20 janvier 2008 (par keno)

     Lectrice régulière de votre blog, j'admets être tout particulièrement intéressée par le sujet que vous abordez.
     Je pense qu'il est bien difficile de faire la part de ce qui est inhérent à la nature humaine.
     J'aimerais avoir plus d'informations. Pourriez vous m'indiquer quelques auteurs qui ont traité du sujet
     Merci d'avance.


 

Réponse (par cepheides)

     L'éthologie est une science complexe qui ne traite pas (loin s'en faut) du seul problème des comportements humains tels qu'on peut les déduire de l'observation animale  :  si vous souhaitez aborder cette discipline sans recourir d'emblée à des ouvrages trop spécialisés, je ne saurais trop vous recommander l'excellent petit livre de vulgarisation écrit par Lorenz  (ce scientifique fut le vrai codécouvreur de cette discipline et il est donc compréhensible de le retrouver ici un peu partout)  dont le titre est  "Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons", (Paris, Flammarion, 1968), paru également en livre de poche (dans la collection "j'ai lu" si j'ai bonne mémoire). Pour le sujet plus ciblé qui semble vous intéresser, ce même Lorenz a écrit un livre dans lequel il nous fait part de toute la méfiance que lui inspire l'avenir des sociétés humaines (il fut également un authentique "écologiste" avant l'heure). Son titre est : "l'Homme en péril ou la destruction de l'humain", paru chez Flammarion en 1985. Il existe bien sûr de nombreux travaux d'éthologie qu'il est facile d'identifier avec Internet sur les sites dédiés. En revanche, j'attire votre attention sur les méfaits de la médiatisation ambiante  :  on y cite souvent des auteurs comme, par exemple, Boris Cyrulnik, excellent au demeurant, mais qui est à mes yeux plus un psychiatre de tendance analytique qu'un véritable éthologiste. Il convient donc d'être vigilant sur ce que l'on appelle l'éthologie... Je vous souhaite une excellente lecture de ces ouvrages.

 

 

 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #médecine



     Voici la suite de l'article consacré aux différents commentaires concernant des sujets de médecine et de biologie. Je vous en souhaite bonne lecture, tout en vous rappelant que vos réactions aux idées développées ici sont toujours les bienvenues.
 




                                                      i

                                                                       

(image : www.enviro2b.com/)

 

 

Article : l’âme

 

 Sujet : "l'âme", énergie vitale ? 

 

Le 9 août 2007 (par medecin)

 

      L'âme pour moi, c'est l'énergie vitale du corps...  On sait en effet que certaines médecines asiatiques utilisent des techniques qui mettent en exergue cette énergie.  Par ailleurs,  je me souviens de ces moines asiatiques qui peuvent concentrer l'énergie qu'ils ont dans une partie de leur corps et d'autres qui peuvent se faire transpercer sans rien sentir...  Ca m'a toujours intrigué...
     Par ailleurs, je pense qu'âme et conscience sont souvent confondues, certains évoquent même l'âme comme une sorte de substance qui est diffuse dans notre corps...  C'est pourquoi je la définirais comme l'énergie interne.  En ce qui concerne la conscience,  je suis quelqu'un qui pense qu'elle est liée aux neurones !  La conscience, c'est les neurones !  Les preuves sur lesquelles je me base  ?  Les états végétatifs chroniques suite à un coma métabolique qui ont détruit la plupart de leurs neurones  : on voit aisément que les malades ne peuvent plus être conscients ;  on met des électrodes sur leur peau et on se rend compte qu'il n'y a plus de réaction lorsqu'ils voient quelqu'un de familier.  Par ailleurs,  le problème est qu'on ne sera jamais prouvé cela car on ne saura jamais se mettre à la place de quelqu'un pour savoir si il est conscient.  Comme dirait Thomas Nagel,  on a beau étudier les neurones d'une chauve-souris,  on ne saura jamais ce que cela fait d'être une chauve-souris.

 

 Réponse (par cépheides)

 

     L'énergie vitale...  Un peu à la manière de "l'élan vital" de Bergson,  j'imagine. Tu ne nous dis pas si tu penses que cette énergie vitale est totalement liée au corps  (il s'agit alors d'une composante matérielle encore inidentifiée)  ou bien si elle subsiste après la mort  (et, là, on se retrouve face à une définition de l'âme).  Concernant les bonzes asiatiques, il est vrai que certains arrivent à contrôler  (au moins en partie)  leurs corps  :  par exemple, on dit que certains peuvent ralentir volontairement leur rythme cardiaque.  Je pense qu'il s'agit là de l'intervention du Système Nerveux Central  ( sous le contrôle volontaire du cerveau)  sur le système nerveux autonome  (les intrications de ces deux systèmes nerveux sont finalement assez peu connues).  En pareil cas,  on a certainement affaire à la désafférentation de certains circuits nerveux expliquant,  par exemple,  la résistance à la douleur.  C'est probablement ce qui permet aux  "marcheurs sur le feu"  de la Réunion ou de Polynésie,  sous l'emprise d'une forte émotion,  de ne pas sembler souffrir de leur exercice,  ni même d'en avoir de gros stigmates physiques.
     D'une manière plus générale,  dans les comas,  il existe certainement une séparation plus ou moins complète entre le cerveau et les nerfs périphériques expliquant le coma vigile,  le coma profond,  etc.  Je suis bien d'accord avec toi :  la conscience,  ce sont les neurones dont l'entrelacement des milliards de synapses  (et le passage de l'influx nerveux dans des circuits dédiés)  permet l'accès aux données stockées,  puis leur utilisation de manière plus ou moins consciente.

 

 

Sujet : cerveau, esprit, âme, conscience…

 

Le 19 février 2008 (par didi)

 

     On a aussi tendance a dire que l'âme est un synonyme de morale dans le sens où seulement les hommes font la distinction du bien et du mal.  Mais quand on regarde l'animal on a l'impression qu'il agit comme par devoir ;  par exemple un chien ne va pas jusqu'à se poser des questions consciemment mais il va quand même obéir à une sorte de mécanique du devoir  (pour un chien bien dressé on lui dit assis, il s'assoit, mieux encore, le maître n'est pas chez lui et le chien, qui est resté à la maison tout seul, sent que bien qu'il ait l'envie de faire ses besoins il doit attendre le retour du maître).  Ainsi ce que l'homme appelle bien ou mal ne serait en fait qu'une réponse à un ordre que l'on reçoit.  Pourtant d'où viennent les ordres que se donnent les hommes ?  Ces ordres viennent du fait que nous avons une conscience et que nous arrivons à nous détacher d'une nature complètement animale pour pouvoir exercer notre jugement.  Mais ce jugement peut être à son tour déterminé par la mémoire, etc.  Dans ce cas la conscience n'est que réactions, en d'autres termes elle est animale.  Mais le progrès de l'homme est le résultat de consciences qui étaient intriguées de choses qu'elles ne comprenaient pas et qu'elles voulaient s'expliquer et expliquer aux autres :  c'est la naissance de disciplines telles que la philosophie ou les sciences.  Mais reposons la question,  pourquoi une âme ?  Je commencerai par dire que toute action animale et raisonnée est le fruit de ce que l'on pourrait appeler des postulats d'idées  (pour agir on postule une idée, un but)  mais aussi de postulats psychiques,  postulats mémoriels, etc.  Ce qui veut dire que l'homme réagit toujours à quelque chose,  d'ailleurs  " la conscience est toujours conscience de quelque chose ".  Et c'est là où l'on voit que l'homme peut atteindre une dimension plus grande en postulant sa liberté.  Car ce n'est que en se disant libre qu'il peut déterminer ce qui lui semble bon.  Comment axer sa liberté d'une bonne manière ?  Par la morale peut-être ?  Ainsi l'homme n'a plus besoins de preuves scientifiques puisque la morale n'est pas scientifique.  La croyance en l'âme et en une morale transcendantale semble justifiée.  Je voudrais finir en citant un paragraphe d'une œuvre de John C. Eccles (prix Nobel de médecine)  " Evolution du cerveau et création de la conscience" :  " Les problèmes liés à l'unicité ressentie par chaque  " moi "  ont été négligés par la philosophie contemporaine.  On peut supposer que cela est dû au matérialisme ambiant qui ne veut pas voir les problèmes fondamentaux que pose l'expérience spirituelle.  Je me concentrerai sur l'événement le plus extraordinaire dans le champ de notre expérience,  à savoir l'avènement de chacun de nous en tant qu'être autoconscient unique.  C'est un miracle à tout jamais au-delà des possibilités d'explication de la science ."  On pourrait rajouter cette phrase de David Lack tiré du livre " Evolutionary Theory and Christian Belief " (1961) : " La science n'a pas pu expliquer la moralité, la vérité, la beauté, la responsabilité individuelle ou la conscience de soi...  Autrement dit une partie de l'expérience humaine échappe à la science. "

 

Réponse (par cepheides)

 

     Bonjour Didi et merci pour ta longue et intéressante intervention.  Dans la première partie de ce que tu expliques  (le chien qui apprend à différer ses besoins),  il me semble que tu fais allusion à ce que les éthologues appellent le conditionnement,  conditionnement qui existe également chez l'Homme  :  je pense,  par exemple,  au conditionnement social  (entre autres)  qui nous permet de nous insérer convenablement dans une société,  et donc d'être « supportable » par les autres  (l'inverse étant,  bien entendu,  tout aussi vrai). Sais-tu qu'il s'agit là d'un item extrêmement fort  :  dans la maladie d'Alzheimer,  lorsque le sujet a tout perdu et cela jusqu'à son identité propre,  il lui reste encore des automatismes sociaux qui lui permettent de répondre à des sollicitations d'ordre social du type  « Comment allez-vous »  et il répond « très bien et vous »  alors qu'il est par ailleurs incapable de verbaliser la moindre de ses actions...  Ce que tu évoques ensuite relève de l'esprit  -  et donc de l'intelligence  -  humain qui nous permet effectivement d'entrevoir autre chose que la seule action immédiate,  l'animalité si tu préfères.  C'est ainsi que cette accession à la conscience nous sert à nous situer dans le monde,  à nous permettre d'abstraire, de penser, de raisonner.  Jusqu'à quel niveau existe-t-il ici une  « liberté »  ?  C'est ce dont discutent les philosophes depuis des siècles.  Nous sommes toutefois loin de la notion d'âme qui,  dans le sujet du blog et je l'ai bien précisé,  ne saurait se confondre avec l'esprit,  la conscience,  etc.  J'évoquais plutôt l'âme en tant qu'élément survivant à l'homme  -  et donc extérieur à lui  -  comme on le décline dans les religions.  Croire que  « quelque chose » d'immatériel nous représentant puisse survivre à la disparition de la matière qui nous compose (y compris à notre cerveau et à son fonctionnement) relève certainement de la foi  :  nous sommes alors loin de la biologie et de l'observation du vivant telle qu'elle nous est accessible...

 

 

Article : étoiles doubles et systèmes multiples

 

Sujet : nature de la science en général et de la médecine en particulier 

 

Nota : cette série de commentaires a été publiée en annexe de l’article d’astronomie citée en référence mais elle concerne effectivement la médecine : on trouvera des compléments en commentaires de l’article cité car une saisie in extenso aurait été trop longue

 

.Le 20 mars 2008 (par Baudouin Labrique)

 

     Vous dites « la Science n'a pas d'a priori ».  Incroyable une telle assertion du moins pour ce qui concerne la science dans sa partie matérialiste et rationaliste et tournée vers la passé alors que fleurissent à profusion des avances déterminantes de scientifiques innovants qui,  en respect des découvertes incontestées à ce jour de la Physique Quantique,  intègrent  (enfin)  matière et immatière (et donc psychisme).  Voici ce qu'écrivait,  en effet,  feu le Pr Paul Feyerabend,  professeur de philosophie des Sciences à Berkeley :  « L'idée que la science peut,  et doit,  être organisée selon des règles fixes et universelles est à la fois utopique et pernicieuse.  Elle est utopique car elle implique une conception trop simple des aptitudes de l'homme et des circonstances qui encouragent,  ou causent,  leur développement.  Et elle est pernicieuse en ce que la tentative d'imposer de telles règles ne peut manquer de n'augmenter nos qualifications professionnelles qu'aux dépens de notre humanité. En outre, une telle idée est préjudiciable à la science car elle néglige les conditions physiques et historiques complexes qui influencent en réalité le changement scientifique.  Elle rend notre science moins facilement adaptable et plus dogmatique  :  chaque règle méthodologique étant associée à des hypothèses cosmologiques,  l'usage de l'une nous fait considérer la justesse des autres comme allant de soi. »   « Le falsificationisme naïf » tient ainsi pour acquis que les lois de la nature sont manifestes,  et non pas cachées sous des perturbations d'une ampleur considérable ;  l'empirisme,  que l'expérience des sens est un miroir du monde plus fidèle que la pensée pure ;  le rationalisme,  enfin,  que les artifices de la raison donnent de meilleurs résultats que le libre jeu des émotions ». «  La science est beaucoup plus proche du mythe qu'une philosophie scientifique n'est prête à l'admettre.  C'est une des nombreuses formes de pensée qui ont été développées par l'homme, mais pas forcément la meilleure (...) » . « La science [matérialiste et rationaliste]  est la plus récente,  la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses. » Pr Paul Feyerabend.

 

      « La connaissance isolée, obtenue par un groupe de spécialistes dans un champ étroit n’a en soit aucune valeur,  mais seulement si elle est associée,  synthétisée avec les autres connaissances.  Son apport varie selon sa contribution a la question ».  (« Qui sommes nous ? » de Erwin Schrödinger, un des pères de la Mécanique Quantique).
     Au vu des échecs de la science médicale,  il faut résolument et d'une manière responsable se poser les bonnes questions comme celles que se pose Jean-Jacques Crèvecoeur :  « Pourquoi la médecine est-elle dans une impasse  ?  Au début des années 1980,  mes conversations privées avec des collègues chercheurs dans le domaine de la médecine et de la biologie m’avaient déjà mis la puce à l’oreille.  « En médecine, nous sommes dans une impasse. Nous le savons depuis quelques années, et nous ne savons pas dans quel sens orienter nos recherches. »  Ces propos concernaient l’ensemble de la recherche médicale,  et pas un seul petit secteur isolé,  malheureusement.  Ces confidences  « off record »,  personne n’osait les faire en public,  ni dans les congrès scientifiques,  de peur de se voir immédiatement privé des subventions indispensables pour poursuivre les travaux du laboratoire. »  « Le langage de la guérison  :  histoire d’une révolution scientifique dans le domaine de la médecine ».  « Les «épidémies » ne frappent que des gens ou des animaux fragilisés et s’arrêtent spontanément sans la moindre intervention médicale. D’autant mieux, d’ailleurs, qu’il n’y a pas d’intervention médicale.  Les autorités,  conseillées par des «experts »  (ces savants de l’ignorance selon la revue Marianne)  continuent à nous imposer les vaccinations   acte anti-scientifique s’il en est   faisant preuve de l’inculture et de l’irresponsabilité du corps médical qui,  depuis Pasteur,  répète sans jamais les remettre en question des dogmes éculés,  depuis longtemps rejetés par nos voisins européens par le danger qu’ils représentent  ! » Pr Jacqueline BOUSQUET (Plus de détails concernant le rôle réel et pas intrinsèquement négatif des microbes).  « les méthodes orthodoxes basées sur les doctrines classiques de l'épidémiologie,  l'immunologie,  la chimiothérapie ne suffisent pas pour traiter les maladies endogènes.  Il est besoin de développer des procédés pour rétablir un équilibre entre l'hôte et le parasite. » 
Sarah Bosely, The Guardian, 3 mai 2000. 
On a beau jeu alors de détourner l'attention sur des approches non conventionnelles ce qui est renforcé par les médias asservis à la pensée dominante.  Je défie quiconque de pouvoir faire une liste dépassant la centaine de personnes qui en un an seraient avérées être décédées à cause des traitements non conventionnels  !  En revanche,  il est dès lors important de se (re)poser la question  « Où sont les [vrais] charlatans ? »  comme le fait le site « Innovation-Santé »...  et comme déjà mentionné,  résolument se pencher sur les raisons pour lesquelles les traitements médicaux constituent la 2ème cause de mortalité...  Sinon c'est (encore) se tromper de cible.  Du côté des pratiques conventionnelles,  il y a donc des dérives iatrogènes et mortifères sans commune mesure à tout ce qui pourrait être reproché dans le chef de la pratique non conventionnelle de la santé dont la psychothérapie et qui est diabolisée et dénoncée  tendancieusement comme générant des dérives de type sectaire.
     Saint Augustin disait déjà que  « Les miracles ne violent pas les lois de la nature, mais le PEU que nous en savons ».  Grâce à la psychobiologie doublée d'une psychothérapie efficace,  des milliers de patients se guérissent ; cependant de telles guérisons faisant désordre dans le paysage médiatique asservi à la pensée unique lobbyisée,  elles n'y ont donc pas mérité une juste diffusion et la mauvaise foi prévalant fait dire à certains qu'il faut trouver dans une erreur de diagnostic  (!)  la survenance de prétendues  (à leurs yeux) guérisons,  mais en fait c'est parce qu'elles échappent à leur entendement matérialiste et rationaliste,  voire contrarient leurs intérêts financiers (moindre recours à des médications)  !
     « Celui qui base ou croit baser sa conduite  -  interne ou externe, de sentiment ou d'action  -  sur un dogme ou un principe théorique qu'il estime indiscutable, court le risque de devenir un fanatique. »  (Miguel de Unamuno / 1864-1936 / Le sentiment tragique de la vie).

 

 

 

 

 

Réponse (par cepheides)

     Je vous remercie de votre longue et très intéressante intervention qui demande plusieurs réponses d'ordre différent.  Tout d'abord  - et je le maintiens -  je pense que la Science n'a pas d'a priori ou,  du moins,  ne devrait pas en avoir pour peu qu'elle soit menée par des chercheurs honnêtes.  En effet,  c'est un des rares domaines de l'activité humaine où il est possible de se corriger en fonction des éléments nouveaux amenés par l'observation ou l'expérimentation.  On le voit tout au long de l'Histoire  :  des hypothèses sont abandonnées,  des théories sont revues,  corrigées,  transformées au fur et à mesure de l'avancée de nos connaissances.  En science,  il n'y a pas de certitude qui ne puisse être remise en question.  Le réexamen des données est constant ce qui permet d'avancer avec quelque vraisemblance de résultat...  C'est précisément en cela que la Science est à l'opposé d'une attitude religieuse fondée sur des dogmes inamovibles.  En science,  jamais d'affirmations gratuites et "tombées du ciel" mais le plus souvent des probabilités  !  Il n'en reste pas moins que depuis que l'Homme se penche sur son environnement,  il existe  -  heureusement  -  quelques certitudes  :  la Terre n'est pas plate,  le Soleil est une étoile banale comme les autres,  les galaxies sont effectivement extérieures à la Voie lactée, etc.  Qu'il reste énormément d'inconnu n'est nié par personne et c'est précisément cette approche qui nous permet de ne jamais considérer comme définitifs une observation, un résultat,  si évidents soient-ils.  La méthode expérimentale de Claude Bernard reste encore le meilleur moyen explicatif de notre univers...
    Vous nous dîtes ensuite que « la médecine est dans une impasse ».  Le médecin que je suis,  confronté chaque jour aux malades et à la maladie,  ne peut que s'insurger contre une telle affirmation.  Peut-on raisonnablement avancer que l'on soigne moins bien aujourd'hui qu'il y a,  disons,  une centaine d'années  ?  Ce serait une absurdité et les statistiques de longévité accrue de nos contemporains sont là pour nous le dire.  Alors, évidemment,  affirmer qu'il reste bien des éléments de pathologie hors de notre portée est évident ;  c'est même un truisme.  Quoi qu'il en soit,  persévérer dans la connaissance des mécanismes intimes des affections  -  et leur traitement  -  est à l'évidence le seul chemin.  Je me souviens,  par exemple,  lorsque j'ai débuté il y a quelques décennies,  du drame quasi automatique que représentaient les cancers du sein  :  porter le diagnostic il y a quarante ans,  c'était expliquer à la malade qu'elle était perdue.  Aujourd'hui,  heureusement,  80% de ces cancers sont guéris par la médecine et ce,  avec de moins en moins de séquelles.  Il s'agit là d'un exemple parmi des milliers d'autres...  On trouvera toujours ici et là de bonnes âmes pour expliquer que cela ne va pas assez vite ou qu'on se fourvoie de temps à autre mais l'essentiel reste que la médecine a formidablement progressé,  qu'elle continue de le faire et que c'est tant mieux pour le bien de tous.
     Quant aux vaccinations "acte antiscientifique",  je pense que c'est faire peu de cas des avancées considérables que cette technique a permises  :  la variole n'est-elle pas éradiquée aujourd'hui,  comme nombre de maladies du genre  ?  (je repense aux "épidémies" de polio qui terrorisaient tant ma mère lorsque j'étais enfant).  La vaccination antigrippale ne permet-elle pas chaque année d'épargner bien des vies,  notamment chez les plus fragiles  ?  Je suis d'ailleurs frappé par le fait que les opposants aux vaccinations relèvent toujours d'une approche non scientifique,  qu'elles sont souvent le fait de gens qui raisonnent en fonction de leurs  « certitudes »  personnelles sans jamais s'en référer aux chiffres et cette attitude là,  oui,  c'est vrai,  elle est antiscientifique  :  n'inversons pas les rôles  !  Ailleurs,  certaines sectes s'opposent à toute transfusion sanguine au nom d'un obscurantisme jamais remis en cause  :  qui est antiscientifique ici  ?  Et il ne s'agit là que d'un exemple parmi tant d'autres.
     Enfin,  vous citez la psychobiologie,  terre encore bien mal déchiffrée  :  il est vraisemblable que certains malades sont améliorés par des thérapies peu conventionnelles mais la médecine  « traditionnelle »  ne remet pas en cause ces résultats.  Elle se contente de prendre acte en sachant que,  tôt ou tard,  l'explication physicochimique sous jacente sera décryptée...  sans compter la considérable importance de l'effet placebo,  si difficile à évaluer.
Vous comprenez donc que je ne partage pas vraiment votre approche mais,  et c'est pour cela que je pense ce blog utile,  je suis heureux que nous puissions ainsi débattre de tels sujets.  Vous serez toujours le bienvenu ici  :  aux lecteurs de se faire une idée...
P. S.  :  en relisant attentivement votre intervention,  je m'aperçois que vous opposez matière et psychisme  (que vous appelez immatière)  ce qui m'avait échappé  !  Évidemment,  nous ne risquons pas de nous comprendre puisque je suis quant à moi persuadé que tout est matière  (pensée, mémoire, etc.)  et que je ne crois définitivement pas à l'âme.  Je suis persuadé que ce que l'on appelle psychisme est en fait schémas et connexions neuronales baignant dans des catécholamines cérébrales,  le tout étant modulé tant par l'hérédité que par l'apprentissage  (culturel ou autre).  C'est la raison pour laquelle,  un jour ou l'autre,  je pense que la science arrivera à très bien explorer  (et surtout expliquer le fonctionnement,  donc réparer si besoin)  nos pauvres enveloppes corporelles d'animaux dits supérieurs.

 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #médecine



     Pour le trentième article du blog, il me paraît judicieux de revenir sur les commentaires les plus intéressants parus au fil des jours.  Au delà de la simple information, quelquefois passé inaperçue,  ils pourront peut-être permettre d'approfondir certaines idées... Aujourd'hui : médecine et biologie.

Bonne lecture.

 

 

 

 

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                     (photo : www.comitesectorieltextile.qc.ca)



 

Article : l’homéopathie


 

Sujet : balnéothérapie

 

Le 19 février 2008 (par plume)

     Je ne suis pas d'accord avec toi quand tu mets la balnéothérapie dans les médecines douces... Je suis kiné, et la balnéothérapie est une méthode de rééducation très efficace, et je ne la classifierais pas de "médecine douce", surtout avec la définition des médecines douces que tu donnes. D'autre part, et dans un contexte très personnel, mon père est lui aussi médecin, et... paraplégique... Il a eu droit à un long séjour à Garches, puis à de très nombreuses séances de kiné, dont la plupart en piscine. C'est grâce à ces séances qu'il a pu marcher (avec cannes) durant de très nombreuses années... Maintenant, avec l'âge, c'est sûr que c'est fauteuil.... Mais il a eu son accident à 31 ans, et il a marché pendant plus de 40 ans... Alors, la balnéo, sensée soigner? Je dis oui !!! Guérir, non, mais soigner, oui !! Et d'ailleurs, la médecine traditionnelle guérit-elle tout ? Est ce que tu ne ferais pas l'amalgame entre thalassothérapie et balnéothérapie ???

 

Réponse (par cepheides)

     Loin de moi l'idée de prétendre que la balnéothérapie n'est pas susceptible d'améliorer l'état de certains malades ! Je pense que, comme toujours, lorsqu'on veut situer un problème, on est forcément réducteur et c'est sans doute ce que j'ai été dans l'introduction de mon sujet. Ce que je voulais dire, c'est que certaines techniques sont parfois utilisées à contre-emploi : la balnéothérapie est l'une d'entre elles. Quand la bonne indication est posée (le cas de ton père, par exemple), la méthode est très utile, voire même indispensable. En revanche, j'ai été confronté à certains cas où elle était illusoire : je pense à l'un de mes malades que l'on avait convaincu d'abandonner la chimiothérapie pour son cancer du colon afin de la remplacer par diverses approches, dont la balnéothérapie. Il s'agit en pareil cas d'un abus manifeste qui ne remet pas en cause l'intérêt de la méthode mais la qualité de la prescription. L'homéopathie - dont je critique dans cet article l'absence de preuves thérapeutiques tangibles - peut avoir son intérêt dans certaines situations (effet placébo) et il m'arrive de la conseiller à quelques uns de mes patients. La balnéothérapie, elle, a plus qu'un effet placébo puisqu'elle permet la rééducation de certaines pathologies, j'en suis bien d'accord. D'où la nécessité d'une bonne indication. Cela dit, je comprends qu'une confusion puisse se faire et je me propose de préciser mon texte en ajoutant "toutes à risque quand elles sont utilisées hors de leurs possibilités". Quant à la médecine dite traditionnelle, on sait bien que nombre d'affections sont hors d'atteinte pour elle mais il s'agit là d'un autre problème.

 

Réponse (par plume)

     Vu sous cet angle, je suis d'accord... C'est vrai qu'il y a des dérives... Et c'est vrai aussi que des charlatans proposent des méthodes qui entraînent ces dérives, voire même le décès de patients... Il y a encore eu, il y a peu, un reportage sur un magnétiseur ou je ne sais quoi qui a incité une dame atteinte d'un cancer de ne suivre que ses séances, en abandonnant tout traitement...  Elle en est décédée... Mais ça n'empêche pas les gens d'aller le voir, et même d'y retourner... Et ce mec ne peut pas être poursuivi.... Grrrr !!!! Mais ceci est un autre débat, effectivement...  Nous, on a les esthéticiennes qui font des massages...  Sachant que le massage n'est pas toujours indiqué... Excuse mon coup de gueule... Je suis comme ça... Un peu impulsive... Mais là, ça a touché un point sensible...

 

Sujet : intérêt de l’homéopathie

 

Le 15 février 2008 (par amazinghorse21)

     Que dire de plus , sinon que pour mon cas perso,  j'ai été souvent soigné par des traitements homéopathiques sur des cas grippaux,  et l'efficacité s'est révélée rapide. Je pense que le cas du patient sain (qui ne fume pas, ne boit pas et a une vie bien réglée )  permet à ce type de médecine de réussir. Même si les doses infinitésimales semblent être obsolètes aux yeux de praticiens classiques,  chaque organisme est différent et la réaction favorable à ces granules, semble être une preuve que la médecine ne doit pas uniquement se diriger sur du traitement médicamenteux standard …

 

Réponse (par cepheides)

     Comme je l'ai signalé dans le sujet, le problème de l'homéopathie est son évaluation qui semble difficile. Pour ma part, j'ai déjà expliqué dans un post précédent qu'il m'arrivait de recommander cette méthode à certains de mes patients (je suis médecin) à la condition que le cas visé ne soit pas trop grave : ce qui compte avant tout, c'est que les malades soient satisfaits et certains le sont indéniablement. Il n'empêche que l'on n'arrive pas à savoir comment fonctionne cette approche thérapeutique, ce qui est ennuyeux à une époque où tous les médicaments sont hypercontrôlés tant du point de vue de leur mode d'action que de celui de leurs éventuels effets secondaires. Peut-être arriverons-nous un jour à satisfaire tous les intervenants en proposant une évaluation fiable et acceptée par tous...

 

Article : cellules souches

Sujet : clonage humain

 

le 14 novembre 2007 (par carême-prenant)

     Intéressant et surtout porteur d'interrogations. Je lisais l'autre jour les résultats d'un sondage organisé par un site (l'Internaute) qui avait demandé à ses lecteurs s'ils étaient effrayés par le clonage de l'être humain et j'ai été surpris : près de 50% des gens disaient que ça ferait avancer la science et près de 20% d'autres qu'ils n'étaient pas du tout hostile au clonage humain. Si je calcule bien, cela fait près de 70% des gens qui pensent que le recours au clonage se défend si on en tire bénéfice.  Bon, je sais qu'il s'agit d'un sondage "gadget" qui n'a pas la rigueur des professionnels mais quand même sur près de 3000 votants.  Alors, peut-être est-ce le moment de dépoussiérer nos conceptions éthiques, surtout à un moment où,  dans le monde occidental,  les religions reculent enfin  (parce qu'on ne me fera pas croire que les Évangélistes et consorts...). Qu'en pensez-vous ?


Réponse (par cepheides) 

     Je pense comme vous qu'il est peut-être possible  (en tout cas dans le monde occidental)  de dépasser les interdits religieux et/ou philosophiques sur les questions touchant à l'avenir de l'Homme.  Il est vrai que tout ce qui concerne la fécondation in vitro et la recherche génétique a pour certains de nos contemporains des "relents de soufre" et il faudra bien expliquer les avantages pour la médecine  (et donc pour l'humanité)  à poursuivre et amplifier les travaux dans ce domaine.  Mais, de la même manière qu'il ne faut certainement pas sacrifier l'avenir de notre planète aux intérêts particuliers de certains  (je pense aux problèmes énergétiques),  il ne faut pas non plus permettre n'importe quoi dans le domaine des cellules-souches et du clonage  (je pense d'ailleurs plus aux intérêts mercantiles de certaines sociétés de recherche qu'aux risques réels de dérapage).  Il existe certainement un consensus dans la communauté scientifique sur ce qu'on peut faire ou ne pas faire  :  le problème est que les intérêts politiques des uns et des autres sont trop souvent présents en première ligne.  Pour résumer  :  avoir l'esprit ouvert mais rester vigilant !

 

Sujet : ravages potentiels de la grippe aviaire « modifiée »

 

Le 8 mars 2008 (par Henri L.)

     J'aimerais savoir si on a une estimation du nombre de victimes que pourrait entraîner une épidémie par la grippe aviaire "modifiée" pour l'homme.  J'imagine que, puisque un plan d'action semble entrepris par les pouvoirs publics  (c'est ce que vous nous dîtes),  ces chiffres ont dû être étudiés...

 

Réponse (par cepheides)
     Difficile de répondre à votre question car le nombre potentiel des victimes dépend de la virulence de la souche responsable.  En tout état de cause,  il risque d'être élevé,  un peu comme pour la grippe espagnole de 1918,  l'augmentation considérable des mouvements de population actuels étant un facteur aggravant. Pour la France seule,  on estime généralement que,  avant qu'un vaccin efficace ne soit disponible,  des millions de personnes seraient touchées dont environ 300 000 pourraient mourir de l'épidémie.  Il ne s'agit que d'une estimation,  plutôt basse qui plus est.  En fait, ce serait un véritable cataclysme  (qu'on se souvienne de l'émoi causé par la surmortalité due à la canicule de 2003 qui ne touchait qu'une seule tranche d'âge).  Les mesures d'isolement prévues seraient  (j'emploie le conditionnel car on ne sait pas grand chose)  à la hauteur de l'événement  :  arrêt des transports en commun,  fermeture de tous les lieux publics comme cinémas,  restaurants voire écoles,  grandes surfaces d'alimentation,  etc.  Espérons que nous ne seront pas obligés d'en venir la !

 

 

Sujet : menace du choléra

 

Le 10 mars 2008 (par carême-prenant)

     Tu ne nous parles jamais du choléra qui reste présent dans une partie du monde.   N'est-ce pas aussi une menace ?

 

Réponse (par cepheides)

     Le choléra est certainement encore une menace,  surtout dans le tiers-monde, mais il s'agit d'une affection à souches bactériennes  (le vibrion cholérique)  contre lesquelles,  comme je le précise dans l'article,  nous sommes relativement mieux armés.  Il existe d'ailleurs toute une panoplie de bactéries susceptibles d'entraîner des épidémies,  surtout en milieu défavorisé,  mais en dresser une liste plus ou moins exhaustive n'apporte rien de plus.  Le problème vient certainement des virus contre lesquels nous ne possédons pas vraiment de molécules immédiatement efficaces  (le vaccin, oui, mais il faut le faire)  et on découvre de nouveaux virus presque chaque jour...

  


Sujet : origine humaine des nouvelles pandémies virales ?
 

Le 11 mars 2008 (par serge)

     Bien souvent,  l'ayant vu dans des fictions,  on se pose la question de savoir si les virus nouveaux ne sont pas issus de recherches laborantines;  et si quelquefois ils ne seraient pas répandus afin de déstabiliser le monde. Les lobbies pharmaceutiques auraient alors un intérêt financier inévitable.
Je vois actuellement le problème avec la vaccination des bovins de ma région qui sont sujets à la maladie de la langue bleue. Ca va rapporter un sacré capital à ceux qui fabriquent les doses.

 

Réponse (par cepheides)

     Pour ma part  (j'ai travaillé plus de 15 ans dans l'industrie pharmaceutique),  je ne crois pas que les labos aient intérêt à provoquer des maladies qui se révéleraient vite incontrôlables  :  ce domaine est particulièrement surveillé par les Pouvoirs publics et,  de plus,  les centres de recherche des labos s'occupent de trouver de nouveaux médicaments ce qui est une toute autre affaire.  Peut-on imaginer qu'une souche étudiée dans un centre de recherche  (de l'industrie ou non)  puisse "s'échapper" ?  Le risque zéro n'existant pas,  c'est toujours possible mais très peu vraisemblable  :  il faut voir les précautions prises pour les études en ce domaine, études d'ailleurs fortement encadrées.  A mon sens, le risque est à peu près le même que celui de voir le cœur d'une centrale nucléaire entrer en fusion,  c'est à dire voisin de zéro (en tout cas, dans les pays développés).

     Quant à la thèse de la "conspiration" avec diffusion d'un virus pour détruire telle ou telle structure ennemie,  je n'y crois pas du tout  :  les éventuels apprentis sorciers savent bien que le retour de flamme serait pour eux  (il y a ici une dissuasion identique à celle du feu nucléaire).  Un groupe terroriste fanatique ?  Il en aurait peut-être l'envie mais certainement pas les moyens.  Je pense que cette thèse provient des premiers temps du SIDA où on avait accusé je ne sais quelle officine secrète américaine  (CIA ? NSA ?)  de l'avoir fabriqué,  peut-être par accident,  mais on sait aujourd'hui qu'il s'agissait d'une désinformation émanant du KGB de l'époque.  Je crois, quant à moi, que la Nature a suffisamment de ressources en ce domaine sans avoir besoin de notre aide...

 

 

Sujet : précautions à prendre dans le cas d'épidémie de grippe "modifiée" ?


Le 13 mars 2008 (par didi)

     Je vais poser une question très délicate mais quelles mesures devrait-on prendre si le nombre de personnes infectées par des virus,  qui se propagent très facilement (tel que la peste pulmonaire),  dépassait la possibilités de quarantaine ?

 

Réponse (par cepheides)

     Votre question est effectivement délicate car j'ai bien peur qu'il n' y ait pas vraiment de parade en l'absence de vaccin...  à moins de décider de vivre dans l'isolement le plus total, sans contact aucun avec les autres...  La maladie se transmettant par voie aérienne,  les premiers gestes à faire sont  1. de se laver les mains le plus souvent possible,  surtout après contact avec les autres,  et  2. de porter un masque en permanence.  Seulement voilà  :  on ne peut pas porter un masque tout le temps chez soi  (de plus, il faut en changer souvent)  et il suffit qu'un membre de la famille....  Dès les premiers symptômes  - à moins que ce ne soit initié par les autorités en cas de localisation épidémique -  il faut se protéger  (?)  en prenant les antiviraux de type Tamiflu auxquels je fais allusion dans l'article.  L'isolement des porteurs n'est possible que dans un premier temps,  quand l'épidémie est encore sous contrôle  :  cela ne fait que reculer l'échéance mais c'est déjà ça de gagner dans l'attente du vaccin !  Ensuite,  les mesures d'éviction ne peuvent que comprendre les lieux à risque comme les transports en commun,  les lieux de réunion et,  d'une manière générale,  tous les endroits où les foules se réunissent et il y en a beaucoup !  On prétend que le "plan rouge" du gouvernement comprend la fermeture des écoles,  des lieux de loisirs,  des restaurants,  des grandes surfaces,  etc.  Bref,  une certaine sécurité au dépens d'un quasi arrêt de la vie économique.  Est-ce vraiment réalisable ?  J'ajoute que,  en haut lieu,  la menace est prise avec suffisamment de sérieux pour que,  par exemple,  en tant que médecin,  on m'ait demandé de cotiser pour une caisse spéciale destinée à venir en aide...  aux familles de médecins morts de l'épidémie en soignant les gens  :  ce n'est pas rassurant !  Avant le vaccin,  l'épidémie risque de faire plusieurs centaines de milliers de morts rien qu'en France et des dizaines de millions sur l'ensemble du globe  :  pourvu que la maladie ne se déclare pas !



Sujet : transmission des infections par l'eau
 

Le 14 mars 2008 (par O.D.)

     Il semble que l'eau comme agent transmissible soit oublié, tant pour la transmission passée ou actuelle des germes.  Il y a quelques milliers d'années les civilisations se sont installées près des grands fleuves comme l'Indus ou le Nil.  Il est évident que tout germe dans l'eau en amont était transmis en aval.
Aujourd'hui on distingue deux sortes de pays,  ceux comme le notre où on peut boire l'eau du robinet et ceux où ce n'est pas possible. Dans cette deuxième catégorie,  quand l'eau est rare,  il y a un véritable bouillon de culture. Il y a lieu de rappeler que les germes se reproduisent beaucoup plus rapidement que les animaux avec donc des possibilités plus grandes ou plus rapides d'évolution et donc de mutations,  ce qui explique l'apparition de maladies nouvelles.
    Il faut en outre signaler que en contrepartie de l'apparition de maladies nouvelles certaines ont disparu,  comme la variole grâce aux efforts de vaccination et de prophylaxie.

 

Réponse (par cepheides)

     Vos remarques sont tout à fait pertinentes.  J'ai expliqué que le point de départ de ces pathologies infectieuses étaient probablement des zoonoses mais il va de soi que l'eau est un excellent vecteur de transmission d'où les épidémies qui s'ensuivent,  avec ou sans mutations.  Vous faites bien de rappeler que certaines maladies comme la variole ont été totalement éradiquées  :  le problème ici est la diffusion  - et l'impact -  d'une nouvelle infection virale AVANT que n'existe un vaccin.  Une fois le virus responsable identifié et qu'un vaccin efficace est disponible,  le problème est complètement différent et relativement sous contrôle  (à moins que le virus ne mute comme le VIH ce qui, ici, est peu probable).  Notre problème, ce sont les 3 à 6 mois avant le vaccin...
 



(suite des commentaires sur la médecine et la biologie dans l'article suivant) 

 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution



Pour le trentième article du blog, il me paraît judicieux de revenir sur les commentaires les plus intéressants parus au fil des jours.  Au delà de la simple information, quelquefois passé inaperçue,  ils pourront peut-être permettre d'approfondir certaines idées... Aujourd'hui : la théorie de l’évolution.
Bonne lecture
.


 

Charles Darwin




 


Sujet
 : science et religion


4 septembre 2007 (par Didier R.)

     Je prends toujours un grand plaisir à te lire et à suivre ainsi le cours de tes idées. Cependant, je ne comprends pas bien pourquoi tu reprends ce vieux procès qui consiste à opposer religion et Science… Dans la bibliothèque de Platon, il y avait un rayon des ouvrages de "physique", en gros les sciences naturelles, et au dessus le rayon de ouvrages traitant de morale, de religion, de convictions diverses et en raison de son emplacement par rapport au premier on l'appelait la " méta, au dessus-donc, physique ".  Rien à voir l'un avec l'autre ; c'était il y a deux mille cinq cent ans…
     Je ne sais pas quelle est la part du hasard dans la marche de l'univers, pas plus que son origine ou sa fin, pas davantage le sens du temps, encore moins l'explication de notre existence, qui jusqu'à présent est la chose la plus compliquée qui soit… le cerveau humain… quand même…
     Il n'est pas dans mon propos de contester l'évolution mais enfin, comme beaucoup et toi aussi je suppose, on ne peut laisser la pensée s'arrêter à des certitudes au risque de la stériliser.
     Je ne sais pas si tu as lu cette polémique à propos du sphénoïde… Un chercheur français a cru pouvoir démontrer que les deux torsions qui caractérisent cet os sont issues d'un programme génétique bien antérieur à l'apparition de l'homme, ce qui pourrait signifier que la torsion aurait été prévue avant qu'elle ne se produise et que par conséquent le développement de l'encéphale eut été ainsi rendu possible… énorme polémique scientifique… les créationnistes avaient encore frappé ! Autre histoire, le flagelle… il parait que sa constitution et sa mécanique serait un défi aux lois de l'évolution....
     Un peu de science éloigne de Dieu, un peu plus y ramène, disait l'autre, c'est à dire je ne sais plus qui… Enfin, je citerai encore ce mot qui pour ma part, me convient infiniment dans son ambiguïté : " l'exact n'est pas le vrai…"… Pas très scientifique sans doute, ce bon Victor Hugo....

 

Réponse (par cepheides)

     Loin de moi l'idée de vouloir rouvrir un débat opposant science et religion ! Comme tu as pu le constater, les sujets du blog évoquant la religion sont rares et concernent toujours, non la Religion, mais certains de ses thuriféraires, c'est à dire ses fanatiques ou, pour parler plus moderne, ses intégristes. Je pense tout particulièrement à certains créationnistes extrémistes comme les évangélistes américains (mais il existe de tels individus dans toute religion). Pourquoi eux ? Parce qu'ils rejettent toutes les preuves, expériences, théories et hypothèses scientifiques qui ne cadrent pas avec leur approche absolutiste (Comment peut-on prétendre raisonnablement aujourd'hui que la Terre a 5 000 ans ou que "Adam et Ève furent les premiers humains" ?). Cela ne me gênerait pas outre mesure s'ils ne faisaient pression sur les autorités responsables pour invalider ou neutraliser la recherche scientifique (voir, par exemple, les efforts développés par les tenants du "dessein intelligent"). Il s'agit là pour moi d'un déni de réalité qu'il faut combattre parce que, oui, cette approche partisane est bel et bien de la censure. Heureusement, il existe d'autres croyants (ne les appelons-pas créationnistes même s'ils le sont car le terme est trop dévalué) qui, tel le Pape Jean-Paul II ont su comprendre que, par exemple, la théorie de l'Evolution était la seule explication un peu construite pour expliquer le monde dans lequel nous vivons.

     Tu me dis par ailleurs qu'il ne faut pas se laisser aller à des certitudes sous peine de stériliser la pensée scientifique : tout au long de ce blog, j'ai cherché, en effet, à expliquer que la science avançait par tâtonnements et par hypothèses momentanément acceptés tant qu'il n'a pas été découvert quelque chose de plus convaincant, qu'il ne fallait jamais se contenter de ce que l'on croyait sur le moment puisque le moment d'après pouvait tout invalider et que, au bout du compte, la grandeur de la Science était précisément de savoir se remettre constamment en cause, même sur des sujets considérés comme acquis. Il n'en reste pas moins qu'il existe quelques vérités scientifiques, comme le fait que la Terre tourne autour du Soleil et que ce dernier appartient à une galaxie bien précise : le contester - quel qu'en soit le motif - me semble être un retour en arrière et, surtout, une menace pour l'avenir.
     Concernant le point plus précis que tu soulèves sur le sphénoïde, il me semble que cela rappelle tout à fait la critique faite à Darwin sur l'origine de l'œil (Comment l'œil a-t-il pu s'élaborer progressivement au fil des âges géologiques si l'on n'a pas AU DEPART prévu sa fonction qui est de voir ? Darwin en son temps y a répondu brillamment et les évolutionnistes aujourd'hui ont pu valider ses affirmations à l'époque encore en partie théoriques). Cela me donne d'ailleurs l'idée de prévoir un sujet sur cette question, plus générale qu'il n'y paraît et qui pourrait s'inscrire dans un sujet de réponses circonstanciées aux délires créationnistes (tu sais, les intégristes de tout à l'heure, pas les croyants en général !). Mais, au delà du réel problème posé par ces gens, ce que je souhaite surtout, c'est qu'on discute de science...




 


Sujet
 : la sixième extinction


28 août 2007 (par Carême-Prenant)

     Alors, tu penses vraiment que la 6ème grande extinction, c'est pour maintenant ? Mais si c'était le seul moyen pour faire avancer l'humanité, je veux dire, que le progrès passe par la transformation de la planète ? Dans ce cas, tu penses pas que ça serait le prix à payer ? Moi, je me dis que à condition que la Terre reste habitable, il faut bien nourrir et faire prospérer les humains, alors...

 

Réponse (par cepheides)

     Je suis persuadé que la 6ème extinction de masse est en cours bien qu'elle ne ressemble pas aux autres : ici, nul phénomène physique comme une glaciation ou une météorite géante mais l'action néfaste d'un des êtres vivants peuplant la planète... Je veux bien que ce soit en partie inévitable mais il y a des limites qui, à mon sens, sont franchies. Je ne suis, en effet, pas persuadé que les actions entreprises par l'Humanité soient si indispensables. L'effet de serre prévisible par la consommation excessive des ressources fossiles (je pense - mais ce n'est qu'un exemple - aux centrales à charbon chinoises) pourrait être atténué... sauf que la recherche sans limite du profit ne va pas dans le bon sens. On peut, bien sûr, développer les énergies renouvelables (éoliennes mais elles dégradent l'environnement, le solaire, etc.) mais, là aussi, on atteindra assez vite des limites : c'est la raison pour laquelle je suis partisan du nucléaire, non polluant à condition qu'on résolve le problème du stockage des déchets radioactifs, ce qui doit être possible avec un peu de bonne volonté (et d'argent mais il y a urgence, non?). Bien au-delà, la destruction des océans, des nappes phréatiques, des endroits encore sauvages, des forêts primitives, etc. sont un non-sens : il faut réagir mais cela sous-entend de renoncer au profit... Alors, transformer a minima la Terre pour que tout le monde puisse y coexister honorablement, c'est d'accord, mais pas le saccage incontrôlé actuel. Faudra-t-il prendre des mesures d'exception et forcément coercitives ? J'espère que non mais...




Article : l’œil, organe-phare de l’évolution

 



Sujet : durée des âges géologiques

2 novembre 2007 (par Henri L.)

     Bien vue cette évolution naturelle de l'œil ! Et ce serait pareil pour tous les organes, du plus simple au plus compliqué... Cela peut parfois paraître difficile à saisir (la complexité de l'organe) que la solution la plus simple et de penser que "tout était prévu au départ" : erreur ! Des millions et des millions de petites solutions provisoires, certaines retenues comme avantageuses par l'Evolution, se sont succédées au fil de millions d'années pour aboutir à l'organe définitif (ou je devrais dire plutôt "organe achevé" car qui nous dit que c'est définitif puisque, au fond, le milieu peut certainement encore changer...). Ce que l'on n'arrive pas à concevoir, au fond, c'est la longueur du temps : tous ces millions d'années ! Alors que nous n'avons de civilisation que, disons, allez, au plus depuis 7000 ans. D'où cette image qui permet de mieux comprendre : si on compare la durée de la Terre (depuis sa naissance) à la tour Eiffel, eh bien, la Vie serait apparue quelque part entre le 2ème et le 3ème étage tandis que la présence de l'homme ne représenterait que l'épaisseur de la couche de peinture du parapet du 3ème étage. Ca donne à réfléchir, non ?

 

Réponse (par cepheides)

     Henri L., je partage absolument ton point de vue. Notre problème, c'est de concevoir l'immensité que représente les milliards d'années qui nous séparent de la naissance de notre planète. Je pense même que c'est impossible : la raison nous explique mais nos sens ne peuvent comprendre car notre vie est bien trop courte pour cela (c'est d'ailleurs le même problème pour l'espace que, pourtant, on croit voir). Du coup, les détracteurs de la théorie de l'évolution n'arrivent pas à comprendre comment - au fil du temps - des mutations sélectionnées peuvent arriver à produire ces machines si compliquées que sont les êtres vivants : ils en déduisent que "tout s'est fait d'un coup" ! Il suffit seulement de se rappeler que, à l'échelle de l'Humanité (c'est à dire rien en terme de durée), on ne peut pas percevoir... Parfois, je rencontre des gens qui croient que, finalement, les dinosaures, c'était juste avant les hommes (quand ce n'est pas en même temps !). Or, le premier hominidé vraiment préhumain, c'était il n'y a que 500 000 ou 600 000 ans et les derniers grands sauriens, il y a 65 millions d'années... En d'autres termes, la distance qui nous sépare d'eux est approximativement 130 fois plus importante que celle qui nous sépare d'homo erectus et des milliers de fois plus que celle nous séparant du "début" de l'Humanité. Mais ces chiffres veulent-ils dire quelque chose ? Alors, mieux vaut prendre des exemples concrets : le tien est excellent. On compare aussi la Terre à une année. Dans ce cas, la vie apparaît vers juillet (je cite de mémoire et je peux me tromper), les dinosaures disparaissent vers la fin octobre... et l'homme moderne surgit au cours des deux dernières minutes du 31 décembre de cette année-là. Effectivement, ça ne fait pas beaucoup et on comprend mieux pourquoi la sélection naturelle a eu le temps de garder certaines mutations, permettant ainsi la transformation progressive des espèces...




Article : Néandertal et sapiens, une quête de la spiritualité

 


Sujet
:
deux humanités différentes en même temps

 

9 octobre 2007 (par Henri L.)

     Si je comprends bien ce que vous expliquez, deux espèces d'homme différentes ont atteint à peu près en même temps une conscience spirituelle, c'est à dire une certaine humanité. Si c'est vrai (et je vous crois volontiers) cela signifie également que l'Homme que nous connaissons n'est pas l'élu comme le prétendent les religions. J'avais bien compris que Adam et Ève étaient une métaphore religieuse mais voilà à présent qu'il existe des individus différents de nous qui peuvent également prétendre avoir (ou plutôt avoir eu) une âme; du coup, ça devient compliqué pour les monothéismes, vous ne trouvez pas ?

 

Réponse (par cepheides)

     Il semble effectivement avéré que deux espèces d'homo non interféconds ont existé en même temps il y a quelques dizaines de milliers d'années. Ce qui est intéressant à remarquer est que ces deux espèces avaient atteint à peu près le même développement conceptuel et que si Néandertal avait survécu il aurait probablement suivi une évolution comparable à la nôtre. Alors oui : les religions (à savoir les grandes religions monothéistes) qui affirment que seul Sapiens était l'élu de Dieu ont un problème... Cela dit, pour reprendre votre considération sur "l'âme", je me permets de vous renvoyer à un sujet précédemment traité du blog dans lequel j'expliquais que je croyais assez peu à cette notion ambigüe jamais démontrée autrement que par des professions de foi mais cette opinion n'engage évidemment que moi.

 

Sujets a. la fonction crée-t-elle l'organe ?

            b. l’homme descend-il du singe ?

 

3 janvier 2008 (par defdef)

     Énigme sur l'évolution :
     D'après Darwin, la fonction crée l'organe (ou quelque chose comme ça).
     L'homme est apparu en Afrique. Il descend du singe. Le singe est un animal à fourrure. Apparu du côté de l'équateur, l'homme s'est peu à peu déplacé vers le nord, donc en zone de plus en plus froide, jusqu'à arriver en Europe. Or sa fourrure a disparu au lieu de se renforcer comme c'eût été logique. Pourquoi ? Je me pose cette question depuis des années et ne l'ai vu abordée dans aucun livre.

 

réponse (par cépheides)

     Non, justement, "la fonction ne crée pas l'organe". Il s'agit d'une conception de l'évolution attribuée à Lamarck et dont on sait aujourd'hui qu'elle n'est pas exacte. En réalité, les transformations d'un organe se font au hasard, par mutation le plus souvent, et toujours à partir d'un organe (ou d'un groupe de cellules) préexistant, souvent apparu pour d'autres raisons : si la transformation apporte au sujet un "avantage évolutif", il y a de grandes chances pour que la transformation devienne pérenne. J'aurai l'occasion de revenir sur ces mécanismes de l'évolution - qui sont souvent mal compris - dans un prochain sujet.
     Une deuxième erreur commune (qui existait déjà du temps de Darwin) est la croyance que l'homme "descend" du singe. Il n'en est rien : ils ont seulement un ancêtre en commun (on a longtemps cru vers 6-8 millions d'années mais les travaux récents datent plutôt cette séparation de - 13 millions d'années) et ce n'est pas du tout la même chose... Notre ancêtre Cro-Magnon était certainement plus velu que nous et on attribue la perte des attributs poilus de l'homme moderne au fait qu'il a su domestiquer le feu... et, par voie de conséquence, qu'il se soit paré de vêtements.... Au fil des milliers d'années, la disparition des poils a pu, sous certaines conditions, constituer un avantage évolutif.




Article : interlude (vingt fois sur métier…)

 


Sujet
:
obscurantisme antiscientifique

 

13 février 2008 (par SK18)

     Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas laisser les obscurantistes jeter le discrédit sur des théories scientifiques éprouvées. La théorie de l'évolution est contestée par les religieux de tous bords parce qu'elle démontre de façon magistrale que cette évolution ne peut se faire qu'au hasard, les éléments évolutifs retenus dépendant exclusivement des conditions génétiques et environnementales du moment. Du coup, comme il n'y a plus de finalité, de "grand dessein" ou de volonté supérieure - appelez-le comme vous voulez - la théorie est forcément fausse puisque ces gens ne peuvent pas ne pas croire en une intelligence supérieure (qui les "sauvera" mais ceci est un autre problème). Lorsque les faits s'opposent à leurs croyances, ce sont les faits qui ont tort. Mais, comme l'a fort bien dit quelqu'un, "les faits sont têtus". J'en veux pour preuve la réhabilitation (partielle mais c'est mieux que rien) de Galilée par l'église catholique. L'intolérance et le refus de la Science si "elle n'est pas conforme" provient de nos jours des islamistes et des néoconservateurs protestants américains : combattons ces idées délétères pour le plus grand bien de tous !





Article : les mécanismes de l’évolution

 


Sujet
:
fréquence des mutations

 

2 mars 2008 (par adeline01200)

     Ton blog est très intéressant et permet de se poser quelques questions. J'aimerais, par exemple, savoir si on connaît la fréquence - et le rythme - des mutations dans une espèce donnée, comme, disons, la nôtre ? Est-ce perceptible à notre échelle ?

 

Réponse (par cepheides)

     Bien qu'il soit toujours possible de se trouver au moment précis où apparaît une mutation (encore faut-il savoir la reconnaître), leur fréquence est telle que cela reste peu vraisemblable pour l'homme : les Romains avaient exactement la même conformité physique et mentale que nous et, s'il existe des variations par rapport à la manière de se situer dans le monde ambiant, elles sont exclusivement culturelles (au sens large). En revanche, on trouve quelques variations avec les hommes du haut paléolithique ce qui démontre que des mutations peuvent effectivement apparaître mais à un rythme qui ne nous est guère perceptible.
     On peut, par contre, observer des mutations visibles dans d'autres espèces que ce soit, par exemple, en botanique où les boutures et croisements qui perdurent sont de ce type, ou plus près de nous, avec les différentes races de chiens dont certaines sont très récentes puisque datant de moins de deux siècles...





Article : disparition des grands sauriens

 


Sujet
: fréquence des chutes de météorites

 

9 février 2008 (par Henri L.)

     Concernant le sujet qui m'intéresse aujourd'hui, je m'étonne de votre remarque en dernière ligne", à savoir que "la prochaine, qui immanquablement aura lieu, inverse le processus." Vous pensez donc qu'il est possible que la chute d'une météorite géante puisse à nouveau se produire aujourd'hui ? Je pensais pour ma part, et comme vous le dîtes dans votre texte, que cela était rarissime...

 

Réponse (par cepheides)

     Il va de soi que la chute d'une météorite susceptible d'avoir une influence majeure sur l'équilibre de la Terre est une éventualité très rare. Il tombe chaque jour plusieurs tonnes de matière interstellaire sur la Terre mais ce sont avant tout de petites météorites de quelques grammes dont on peut voir la chute lorsque, échauffées par notre atmosphère, celles-ci prennent l'aspect d'étoiles filantes : toutefois, des projectiles plus conséquents - comme celui qui s'abattit sur la Sibérie au début du XXème siècle en ravageant plusieurs dizaines de km de forêt - sont plus fréquents qu'il n'y paraît, la plupart s'abimant d'ailleurs dans les océans. Nous raisonnons évidemment ici en termes de temps géologiques et donc peu perceptibles par l'Homme dont la présence réelle est très courte. Il n'empêche que la chute d'un corps céleste d'importance est statistiquement certaine durant les 4 milliards environ d'années qu'il reste à vivre à la Terre (si tout se passe bien). Le problème est qu'il est impossible de savoir quand un tel phénomène peut survenir. D'où la surveillance permanente effectuée par les scientifiques du monde entier...






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Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie





Pour le trentième article du blog, il me paraît judicieux de revenir sur les commentaires les plus intéressants parus au fil des jours.  Au delà de la simple information, quelquefois passé inaperçue,  ils pourront peut-être permettre d'approfondir certaines idées... Aujourd'hui : l'astronomie.
Bonne lecture.

  choc-galactique.jpg

 

                     choc entre deux galaxies (sources : /www.yourwallpaper.com/)




 

Article céphéides

 

 

Sujet  : variation des céphéides; Henrietta Leawitt

 

23 juillet 2008 (par GG2)

 

Cet article est vraiment très bon !
J'aimerais par ailleurs y ajouter quelques compléments : la luminosité des céphéides varie parce qu'elles pulsent, autrement dit parce que leur surface lumineuse augmente. Comme une large baie vitrée laisse passer plus de lumière qu'une étroite lucarne, une céphéide dilatée sera plus brillante qu'une céphéide contractée. Concernant les températures, il faut savoir que le maximum est atteint pendant l'augmentation en luminosité, et le minimum est rejoint au milieu de la décroissance en magnitude. Une céphéide peut ainsi passer d'un type spectral à l'autre pendant son cycle, les fluctuations en température le permettent.
En fait, le nom de céphéides est arrivé après les observations de Leavitt (ou Leawitt). On s'est rendu compte que l'étoile delta Cephei était l'astre le plus remarquable à adopter le même comportement que les variables des Nuages de Magellan. Pour être très exact, on devrait parler de delta-céphéide, car il existe aussi des bêta-céphéides qui ne se rangent pas tout à fait dans la même catégorie.
Delta Cephei a l'avantage d'être parfaitement visible sans instrument, même dans un ciel citadin. Elle possède aussi des étoiles voisines dont l'éclat est constant. En les observant attentivement et en comparant les luminosité, on peut en l'espace d'une ou deux semaines mettre en évidence la variabilité de delta Cephei. Du minimum au maximum, il s'écoule un jour et demi ; du maximum au minimum, quatre jours passent. La croissance est donc bien plus rapide que la décroissance : c'est une caractéristique significative de toutes les céphéides.
Vous avez correctement écrit que c'est grâce aux céphéides qu'Edwin Hubble a pu mesurer les distances des galaxies (dès 1925) pour ensuite formuler la loi qui porte son nom. Ces travaux étaient censés se préciser et se compléter avec un télescope spatial ; le "Hubble Space Telescope" a réalisé de nombreuses observations et découvertes de valeur inestimable, mais c'est bien pour l'observation des céphéides qu'il a été baptisé "Hubble".
En fait, le comité Nobel a pensé à récompenser Henrietta Leavitt pour sa découverte. Comme vous le savez, la découverte et le prix Nobel qui va avec sont très souvent largement séparés dans le temps. Tellement qu'au moment d'être nommée, Leavitt était déjà décédée... Et un Nobel ne peut malheureusement être décerné à titre posthume.
Yaël Nazé, auteur du bouquin "L'Astronomie au féminin" (qui retrace les parcours professionnels de femmes astronomes méconnues par rapport à leurs homologues masculins) a attiré mon attention sur le fait que l'on parle de "loi de Hubble", de "diagramme de Hertzprung-Russell", de "théorème de Vogt-Russell", de "masse de Chandrasekhar", mais uniquement de "relation période-luminosité". Le terme "loi de Leavitt" serait pourtant une manière de rendre justice et hommage à l'astronome.

 

Réponse (par cepheides)

     Je vous remercie très sincèrement pour votre commentaire, très riche et fort documenté, qui complète parfaitement le texte du sujet proprement dit. Concernant Leawitt, je ne peux m'empêcher de penser que si elle avait été du sexe masculin, sa remarquable découverte lui aurait été plus facilement attribuée, avec les récompenses et/ou honneurs qui s'imposaient et, comme vous, je déplore que la loi astronomique qui reprend son observation ne porte pas son nom... Au delà du grand public, la communaute scientifique sait néanmoins ce qu'on lui doit, ce qui est une petite consolation.

 

 
 

Article : étoiles doubles et systèmes multiples


Sujet : vie extraterrestre
 

31 octobre 2007 (par Henri L.)

Intéressant article qui me donne à penser la chose suivante : il y a des milliards d'étoiles présentes au sein d'une même galaxie et des milliards de galaxies dans notre univers visible (combien au delà ?). Or, chacune de ces étoiles est susceptible d'être entourée par plusieurs planètes. Ce qui nous laisse supposer que, toujours dans l'univers qui nous est accessible, il existe des milliards de milliards de planètes potentielles : comment ne pas penser que au moins une poignée d'entre elles possède les conditions requises pour voir apparaître une forme de vie. On imagine toujours ces autres êtres vivants à peu près semblables aux formes de vie présentes sur notre planète (ressemblant de préférence à l'être que nous supposons le plus intelligent, c'est à dire nous). L'intérêt de votre article est de montrer que les conditions de vie sur une planète peuvent être infiniment variables. Par exemple, à gravité et atmosphère égales, quelle pourrait être la configuration d'une être intelligent (ou seulement vivant) sur une planète tournant autour d'un trio d'étoiles bleu-blanc-rouge ? Ses organes visuels seraient très certainement bien différents des nôtres... Tout cela pour dire qu'il ne faut pas chercher une forme de vie forcément analogue à la nôtre...

Réponse (par
cepheides)
     Il est certain que l'Univers est infiniment plus vaste que nous ne pouvons l'imaginer avec notre cerveau somme toute limité. Récemment, sur un blog où était posée à peu près la même question, j'avais expliqué que, quelques années avant sa mort, Isaac Asimov (qui n'était pas qu'un écrivain célèbre de science-fiction mais également un scientifique brillant) avait écrit sur le sujet : "Isaac Asimov a écrit un livre (civilisations extra-terrestres, chez RD) où il calculait les probabilités de vie extra-terrestre (nombre de galaxies et d'étoiles, position des planètes par rapport à leur étoile, composition, atmosphère, etc.). A chaque étape, il avait un chiffre probable dont il ne retenait que 10%. Au bout du compte, il a trouvé 433 millions d'étoiles où la vie était apparue sur une des planète sous forme de micro-organismes et 390 millions de planètes possédant une civilisation technologique plus ou moins avancée." Je suis pour ma part certain qu'il existe de la vie quelque part dans l'Univers, même si elle reste difficile à imaginer, du moins pour ses formes les plus élaborées (parce que des bactéries restent malgré tout des bactéries, c'est à dire des formes de vie assez simples). Ce qui finalement pose problème est la distance incroyable qui nous sépare de ces planètes du possible et, dans l'état actuel de nos connaissances, je vois mal comment nous pourrions atteindre - même par des signaux quelconques et à supposer qu'ils puissent les comprendre - nos éventuels correspondants. Il est vrai, que du temps de Napoléon, un voyage sur la Lune était du domaine du rêve le plus extravagant : restons donc optimistes...

 


Sujet : distance entre les étoiles
 

10 mars 2008 (par defdef)

J'ai vu ton article sur les étoiles doubles. Je m'intéresse depuis toujours à l'astronomie et il y a une donnée que je n'ai trouvée nulle part : dans un système double, quelle est, approximativement, la distance entre les 2 étoiles ? Est-ce de l'ordre de Terre-Soleil ou quelques AL quand même ?


Réponse (par cepheides )

     C'est une intéressante question que tu poses là car elle permet de rétablir une juste perspective des choses. Mais, tout d'abord, pour te répondre immédiatement, la distance qui sépare les composants d'une binaire est bien inférieure à l'année-lumière (al). Il faut, en effet, que la gravitation permette aux deux astres de s'attirer (et surtout de se garder) l'un l'autre or la distance d'une année-lumière est trop importante (on oublie souvent cette immensité quand on entend parler de galaxies situées à "des millions d'années-lumière"). A titre de comparaison, on estime que la distance moyenne séparant les étoiles de notre galaxie est de 1 parsec, soit environ 3,26 al.

     La distance entre les 2 partenaires d'un couple stellaire est variable : on sait que certaines étoiles sont si proches l'une de l'autre qu'elles ne sont distinguables que par une analyse spectrale, le télescope étant tout à fait incapable de les séparer optiquement. Par contre, ce dernier permet de mettre en évidence les étoiles dont les attaches sont distendues (mais réelles et permanentes), ayant des vitesses de révolution très faibles et échappant de ce fait à la spectroscopie. Bien entendu, les étoiles très proches ont des périodes de révolution entre elles courtes, parfois de quelques jours. A l'inverse, les étoiles éloignées tournent autour de leur centre virtuel commun en bien plus longtemps.

Tout dépend aussi du couple : naine avec géante, naine jaune avec naine rouge, géante avec étoile à neutrons ou naine blanche. Tout - ou presque - est envisageable et les distances entre les partenaires s'en ressentent aussi. J'ajoute que nous n'avons évoqué ici que des binaires mais qu'un nombre non négligeable de systèmes sont multiples, avec 3, 4 ou plus d'étoiles : on imagine alors la complexité d'un tel système qui, néanmoins, peut fonctionner durant des millions d'années.

     Dans le sujet, l'exemple cité de la planète Tatooine est d'autant plus frappant que cette dernière est située dans un système triple. Évidemment, on parle ici d'étoiles et de planètes existantes parce qu'observées mais qui sont très probablement assez inhospitalières.

     En résumé, les binaires serrées ont des distances "intracouple" de, disons, un à quelques "systèmes solaires" et, pour les binaires lâches, cela peut aller - je me lance - jusqu'à un 1/3 d'al…

P.S. : un point de détail. Binaire - stricto sensu - qualifie l'ensemble des deux étoiles (les anglo-saxons utilisent le terme de binary star system with two components) mais il arrive que l'un des membres du couple soit appelé binaire (d'où la phrase, dans le livre cité en préambule de l'article, parlant "des deux binaires").

 

 

article : la Terre centre du monde


sujet : le groupe local

 

le 21 février 2008 (par MCJ)

Bonjour céphéides. J'ai lu votre article sur l'organisation de l'univers que je trouve très intéressant. Je me permets de vous signaler juste un point de détail concernant le groupe local de galaxies. Vous affirmez qu'il ne renferme que deux galaxies principales (la nôtre et Andromède) mais que faites-vous alors de la galaxie du Triangle que les astronomes considèrent comme la troisième galaxie principale de notre groupe local. Par ailleurs, il semblerait que ce ne soit pas seulement 30 mais plutôt 50 galaxies qui en tout font partie de ce système. Êtes-vous d'accord avec ces notions ? Il s'agit là, je le répète, de détails concernant un article par ailleurs très bien documenté...


Réponse (par cepheides)

     Merci MCJ de votre commentaire. Effectivement, la galaxie du Triangle M33 est la troisième galaxie en taille de notre groupe local. Toutefois, elle est bien moins massive que la Voie lactée ou Andromède (il semble qu'elle ne soit pas bien plus grosse que les Nuages de Magellan) aussi est-ce la raison pour laquelle je l'ai inclue dans les galaxies dites "secondaires" du groupe : on peut donc aussi dire, comme vous, que c'est la troisième galaxie du groupe local et nos deux appréciations seront également exactes. Par ailleurs, il est difficile de chiffrer précisément le nombre de galaxies du groupe local : j'ai écrit une "grosse trentaine" et c'est le chiffre qui semble retenu par la majorité des sources. Cela dit, il est extrêmement difficile, concernant les galaxies les moins lumineuses et donc probablement les plus petites, de savoir si elles font partie ou non du groupe : je pense par conséquent que vous avez raison et qu'il en existe certainement bien plus de trente. Toutefois, ce chiffre n'étant pas réellement confirmé, j'ai préféré m'en tenir aux acquits... et je modifierai bien volontiers ces données chiffrées dès que nous aurons des certitudes ce qui ne saurait tarder (du moins si le télescope Darwin est bien lancé en temps et en heure). Encore merci pour votre collaboration.


 

Article : théorie de la relativité générale

Sujet : divers paradoxes spatiotemporels

 

26 décembre 2007 (par defdef)

J'ai lu ton article mais, bien que je m'intéresse depuis toujours à ces questions, je dois avouer qu'au-delà des exposés vulgarisateurs, je ne suis plus. Je me sens plus à l'aise avec des sujets comme la décadence de l'Empire Romain...
Je n'ai jamais compris pourquoi la vitesse de la lumière était indépassable (d'autant que toutes les histoires de science-fiction résolvent le problème!).
Pour moi, mais c'est une conception purement philosophique, le temps et l'espace sont en fait inexistants : il y a toujours un «après» et un «à côté». Seuls existent réellement et positivement la matière et l'énergie (une même chose sous 2 formes différentes ?).
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'univers est en expansion et le restera.
La forme de l'univers et son centre : j'avais entendu parler d'une hypothèse suivant laquelle l'univers serait analogue à une bulle de savon qui, tout en ayant des dimensions finies, donnerait l'impression à quelqu'un habitant la matière de la bulle de pouvoir effectuer sur sa surface des déplacements infinis et de ne pouvoir trouver de centre.
Les trous noirs : je n'arrive pas concevoir que la matière s'y engloutisse sans devenir quelque chose.
Je doute fort que ces énigmes soient résolues un jour.


Réponse (par cepheides)

     Merci, defdef, de ton intérêt. Tu poses plusieurs questions, toutes fort intéressantes, mais qui demandent des réponses un peu longues pour un commentaire : je vais essayer de te donner quelques pistes.
          1. la vitesse de la lumière : calculée depuis le XVIIème siècle de manière de plus en plus précise, elle est actuellement fixée à 299 792 458 mètres par seconde (dans le vide). Dans le cadre des théories actuelles (notamment la Relativité Générale), elle est indépassable et ce sont les équations qui le démontrent. Il semble peu probable qu'une théorie nouvelle (qui resterait à découvrir) remette en question cette notion : c'est tellement vrai que cette vitesse est considérée à présent comme une constante physique. Nota : les écrivains de science-fiction ont recours à des artifices totalement irréels (comme la notion de sub/hyperespace, éminemment poétique), pour permettre à leurs héros de voyager rapidement de système stellaire en système stellaire.
           2. les notions "d'à côté" et "d'après" ne sont pas exploitables en l'état dans la théorie de la relativité générale (voir le sujet), seule théorie expliquant convenablement l'espace-temps. Il s'agit de "repères" uniquement valables en "local" (notre environnement proche).
          3. L'univers est en expansion et cette expansion s'accélère : c'était une des possibilités prévues par la théorie d'Einstein et cela a été vérifié par les observations récentes : c'est un fait, un point c'est tout.
          4. La forme de l'univers : le plus approchant est l'image d'une éponge qui gonfle mais en sachant qu'il n'existe RIEN (notamment pas de "vide") en dehors de l'éponge... Son centre est partout et nulle part (voir l'article).
          5. Les trous noirs : prévus par la théorie, ils ont longtemps été tenus comme "possibles". Aujourd'hui, on sait les repérer par des observations indirectes. C'est le stade ultime de l'évolution des très grosses étoiles, une fois leur "carburant" nucléaire épuisé. Il ne reste alors qu'un noyau d'une densité incroyable et si importante qu'aucune matière ne peut s'en échapper, même pas les photons de la lumière... La matière, qu'elle quelle soit, y est piégée et terriblement condensée.
     Voilà quelques résumés de ces problèmes. On ne sait pas tout, certes, mais contrairement à toi, je suis persuadé que, nos connaissances progressant, on arrivera à comprendre l'essentiel...

 


 

Article : la mort du système solaire


Sujet : réchauffement solaire

 

2 février 2008 (par keno)

Ton article, au demeurant très intéressant semble confirmer la thèse de certains scientifiques au sujet du réchauffement de la planète.
Il paraît en effet que selon des cycles dont je ne saurais préciser la fréquence, le soleil contribuerait de façon gigantesque au réchauffement de le terre. Actuellement nous serions dans la phase où le soleil "chauffe" plus que de coutume et nos émissions de carbone ne seraient que "peanuts" par rapport à ce phénomène naturel....Qu'en penses-tu?

 

Réponse (par cepheides)

     Que c'est faux, bien sûr. Il n'y a pas d'activité solaire particulière en ce moment : je veux dire qu'il n'existe pas (à ma connaissance) de publications indiquant que le Soleil "chaufferait" de façon inhabituelle. En revanche, il est exact qu'il existe des "cycles" solaires. Ces cycles sont de deux ordres au moins :
          1. les variations les mieux connues suivent un cycle compris entre 8 et 15 ans, avec une moyenne de 11,2 ans. L'augmentation de l'activité solaire "monte" en environ 4 ans pour "redescendre" plus lentement en 6,5 ans. En fait, il s'agit de cycles qui durent 22 ans car à la fin de chaque cycle de 11 ans, il existe une inversion de la polarité solaire (d'où un retour au point de départ en 22 ans). Cette activité n'a de conséquence que magnétique (pas d'élévation particulière de la chaleur à la surface de la Terre) et ses conséquences pour l'activité humaine concernent essentiellement les télécommunications qui peuvent être perturbées en période d'intense activité solaire (surtout à l'heure des satellites artificiels). On observe aussi à ce moment-là des phénomènes naturels exacerbés, comme de magnifiques aurores boréales. Si ma mémoire est bonne, le maximum solaire prochain devrait être en 2012. Il n'est donc pas question de "dédouaner" l'Homme de ses responsabilités dans le réchauffement de notre globe, même si le phénomène - et surtout ses conséquences - est loin d'être parfaitement compris...
          2. il existe également un cycle solaire dont la durée serait de 179 ans mais j'avoue que je n'en sais pas grand chose, ni même si le phénomène est bien documenté. De toute façon, cela ne concerne pas non plus l'élévation de la chaleur terrestre.
     Il y a eu d''importantes variations de la chaleur à la surface de la Terre au cours des âges géologiques (glaciations, par exemple, dont certaines ont été tenues pour responsables d'extinctions massives des êtres vivants - voir le sujet idoine - mais elles sont la conséquence de la Terre elle-même par différences d'inclinaison sur son axe de rotation, tectonique des plaques, inversion de polarité magnétique, etc.) et le Soleil n'y est pour rien.


 

 

Article : les galaxies

Sujet : homogénéité de l’Univers


Le 18 mars 2008 (par Carême-prenant)

Il y a des choses que j'ai du mal à comprendre. D'après ce qui est écrit, juste après le Big Bang, l'Univers se présentait sous la forme d'une sorte de nuage, de soupe "homogène", s'étendant dans toutes les directions. Comment se fait-il que 1. cela ait donné des galaxies pour une petite partie et du vide quasi absolu pour le reste ? et 2. si l'Univers a environ 13 milliards d'années, les deux extrémités sont donc séparées par 26 milliards d'années (13 + 13) mais les galaxies sont semblables : pourquoi l'évolution des objets n'a-t-elle pas été différente (avec un aspect et, peut-être, des lois physiques différentes), voire avec de l'antimatière ?

 

Réponse (par cepheides)

     Effectivement, Carême-prenant, ce sont deux questions fort importantes qui ont longtemps divisé la communauté scientifique.

     Il faut rappeler (sans revenir sur les détails du Big Bang qui fera peut-être l'objet d'un prochain sujet) que, au début, dans les toutes premières fractions de seconde, l'Univers est tellement chaud qu'il n' y a même pas de particules mais une sorte de soupe de quarks partagés entre matière et antimatière : puisqu'il existe, à force d'agitation, un infime déséquilibre (on parle de dissymétrie), un des systèmes l'emporte, en l'occurrence la matière (les quarks de matière et d'antimatière s'annihilent les uns les autres et ne restent que les éléments surnuméraires). En quelques milliardièmes de seconde, la chaleur baisse considérablement pour atteindre un million de milliards de degrés au point qu'apparaissent vraiment des particules. Inutile de dire que nos lois physiques ne s'appliquent pas encore : ce sont les équations qui nous expliquent tout ça. C'est vers ce moment que se produit le phénomène appelé "inflation", c'est à dire une expansion brutale de plusieurs milliards d'ordre de grandeur permettant l'homogénéité de la matière et de ses lois (ceci répond à votre question sur les 13 + 13 milliards). Bien plus tard, vers 300 000 ans, le refroidissement est suffisant pour que les particules moins liées et moins agitées permettent la libération des photons et donc l'apparition d'un univers visible (on trouve les traces de cet évènement sous la forme du fonds diffus cosmologique - voir le sujet). La lumière éclaire donc une substance quasi uniforme. Quasi car il existe d'infimes variations avec des endroits un tout petit peu plus concentrés, les masses différant peut-être de l'ordre de 1%, voire moins. Cela suffit pour que l'homogénéité du départ soit rompue et que, par le jeu de la gravitation, les masses de gaz se concentrent pour former localement des nuages indépendants. La suite, vous la connaissez : ces nuages en tombant sur eux-mêmes vont conduire à la coalescence de matière tout en élevant la température locale jusqu'à provoquer l'amorce thermonucléaire et la formation des étoiles. Ce qui demande à être approfondi est de savoir si les étoiles se sont créées puis rassemblées en galaxies ou, au contraire, si les galaxies se sont créées d'emblée : il s'agit peut-être d'une conjonction des deux mécanismes.
     J'ajoute que tout cela est encore du domaine de l'hypothèse mais ce que l'on peut dire c'est que tous les éléments indirects observables vont dans ce sens et que, pour le moment, on ne possède pas de meilleure explication.

 

 

Sujet : voir le ciel lointain
 

Le 21 mars 2008 (par Henri L.)

Bonjour. Vous nous dîtes que voir dans le ciel, c'est voir dans le passé et vous prenez l'exemple d'une galaxie située à 1 milliard d'années-lumière dans l'espace (et, j'imagine, dans le passé) à "une époque où elle était plus jeune et fabriquait théoriquement plus d'étoiles". Ma question : quelle est la distance à partir de laquelle on aperçoit un univers vraiment plus jeune ?


Réponse (par cepheides)

     Merci de votre question qui souligne en effet une imprécision de mon texte. Il est exact que regarder les étoiles, c'est voir dans le passé. Une galaxie située à 1 milliard d'années-lumière (al) a certainement changé au moment où sa lumière nous parvient. Ces changements sont toutefois assez peu perceptibles en terme d'évolution galactique. Les spécialistes parlent alors de "l'univers local" et ce jusque vers 5-6 milliards d'al. Depuis peu, grâce aux nouveaux instruments comme Hubble ou les grands télescopes d'Amérique du sud, on peut voir plus loin : jusqu'à 10 milliards d'al et même un peu plus. Là, c'est différent : on peut contempler l'univers dans sa jeunesse, dans sa période de formation et ce qui est extraordinaire, c'est qu'il est conforme à ce que prédisait la théorie du Big Bang. Einstein qui avait anticipé tout cela avec ses seules équations serait, j'imagine, assez fier...
     Restent les tous premiers moments. Dépasser les 11-12 milliards d'al actuellement accessibles demande un nouveau matériel... qui est déjà en construction ! C'est vers 13,5 milliards d'al qu'existe le mur infranchissable du rayonnement fossile au delà duquel la lumière n'existait pas encore. A moins qu'un procédé aujourd'hui inconnu et complètement insoupçonnable nous permette... On a le droit de rêver. 



Sujet la fin de l'Univers

 

25 mars 2008 (par Lydia)

Dans la dernière partie de votre sujet, il est dit que l'univers finira par se disperser mais j'ai lu quelque part qu'il pourrait au contraire se replier sur lui-même dans ce qu'on appelle le Big Crunch... Qu'en pensez-vous ? Pour le reste, très intéressant article.

 

Réponse (par cepheides)

     Effectivement, la fin de l'Univers que j'évoque dans l'article est une possibilité parmi d'autres ! En fait, en l'état actuel de nos connaissances, il ne semble pas possible de conclure vraiment. Tout au plus peut-on émettre des hypothèses... Trois "scénarios" sont surtout envisageables (pour le moment) :
          1. le big chill (grand froid) est celui que j'évoque. Dans le cas d'une expansion continue, la création d'un espace toujours plus grand contenant une somme de matière finie et non renouvelable conduirait à une dilution sans fin, les galaxies continuant de s'éloigner les unes des autres. Difficile de savoir si la dilution toucherait ces dernières mais si, comme c'est probable c'était le cas, il ne pourrait plus y avoir de formation de nouvelles étoiles et celles qui existent déjà finiraient par mourir de leur belle mort, faute de carburant thermonucléaire. Le froid par la dilution en somme.
          2. le big rip (grande déchirure) est une autre possibilité : ici, il s'agit toujours d'une expansion continue mais qui va en s'accélérant au point qu'aucune force de cohésion ne peut plus subsister. Les galaxies se trouveraient démembrées, les couples stellaires détruits et leurs membres dispersés et, à un stade encore plus avancé, même les planètes seraient arrachées de leurs orbites respectives. Tout se terminerait dans une dislocation apocalyptique détruisant jusqu'aux atomes.
          3. le big crunch auquel vous faites allusion. Dans ce scénario, on suppose que la gravité s'opposerait à l'expansion jusqu'à la stopper, voire même à l'inverser. Il s'agirait alors d'un big bang à l'envers où toute la matière finirait pas être écrabouillée, écrasée sur elle-même. Cette troisième possibilité était très prise au sérieux jusqu'à ce qu'on s'aperçoive, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, que les observations les plus récentes montrent une accélération de l'expansion imputable à une force encore non identifiée baptisés énergie sombre. Toutefois, puisque cette énergie sombre est inconnue, il n'est pas exclu que son activité s'arrête un jour ou même s'inverse : on revient alors au big crunch...
     Comme vous pouvez le constater, on ne sait finalement pas grand chose.

 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie

 

                       photo-du-catalogue-de-Messier-copie-1.jp

 le catalogue de Messier

 

 

 

 

     Je me souviens parfaitement de ma classe de quatrième et de ce moment privilégié du lycée (à l’époque, on appelait lycées les établissements allant jusqu’au bac, le terme de collège étant réservé à ceux qui s’arrêtaient en classe de troisième), ce moment de plaisir intense que représentait la « grande » récréation d’après la cantine. Puisque nous avions quartier libre jusqu’à deux heures de l’après-midi, nous nous retrouvions souvent entre amateurs d’astronomie pour commenter les dernières nouvelles du ciel, glanées au hasard d’une quelconque revue de vulgarisation.

 

     Il y avait là deux groupes antagonistes (la vérité m’oblige toutefois à reconnaître que les protagonistes n’étaient pas très nombreux), groupes qui s’opposaient entre autres sur un sujet fort polémique : la création de l’Univers. Rien que ça ! Les uns, suivant Fred Hoyle, étaient les tenants de « l’univers stationnaire » tandis que les autres se rangeaient, avec Hubble, à l’idée d’un « univers en expansion ». Nous ne faisions, probablement sans le savoir, que refléter à notre minuscule échelle les débats très animés qui agitaient le petit monde de l'astronomie. Il faut dire que la question n'était pas encore tranchée puisque la découverte du rayonnement fossile de Penzias et Wilson (voir l’article fonds diffus cosmologique) n’eut lieu qu’en 1964, découverte qui permit d’asseoir définitivement (?) la théorie du Big Bang. S’opposaient donc la théorie d’un univers statique et quasi éternel où les créations d’étoiles équilibraient exactement la mort des plus anciennes et celle d’un univers en expansion continue, issu d’un noyau originel, et pour lequel il n’était pas clairement précisé s’il y avait ou non élaboration significative de nouvelles étoiles.

 

     Aujourd’hui l’expansion de l’Univers n’est plus remise en question : on sait même qu’elle va en s’accélérant… Toutefois, Hoyle et ses partisans n’avaient pas complètement tort puisqu’il existe bien une création importante et continue des étoiles, du moins dans certaines galaxies. Car les étoiles sont, on le sait, regroupées dans l’Univers au sein de milliards de galaxies séparées par un vide quasi-absolu et c’est sur ces objets immenses - les « univers-îles » soupçonnés par le philosophe allemand Emmanuel Kant - que je souhaite revenir maintenant. 
 

 

 

 

nébuleuses et univers-îles

 

 

 

     Depuis toujours, lorsque l’on observait le ciel, en dehors du Soleil et de ses planètes, trois types différents d’objets étaient identifiables : les étoiles, les comètes (repérables par leurs mouvements) et des objets flous aux contours imprécis qu’on appelait nébuleuses. Il faudra attendre le XVIIème siècle et la lunette de Galilée pour que celui-ci, en 1610, observant la Voie lactée, y distingue de très nombreuses étoiles, faiblement lumineuses… La Voie lactée, c’est à dire notre propre galaxie, n’était donc plus cette traînée blanchâtre – le lait céleste des anciens – aux contours diffus : la gigantesque nébuleuse étaient composée d’étoiles. 

     Un peu moins de 150 ans plus tard, en 1755, dans son traité « Histoire kant.jpguniverselle de la nature et théorie du ciel », le philosophe
Emmanuel Kant (1724-1804) imagina que notre galaxie était vraisemblablement un corps en rotation et que c’était la gravitation qui liait entre elles toutes les étoiles la composant. C’était un éclair de génie prémonitoire d’autant que Kant proposa dans la foulée que les nébuleuses multiples observées ça et là étaient des galaxies – il les appelait des univers-îles – extérieures à la nôtre. L’idée fit sourire et on n’y attacha pas plus d’importance, d’autant qu’il était bien difficile de faire la preuve de cette affirmation. 

     On se contenta donc de cartographier les nébuleuses, de les répertorier, de les nommer, le plus souvent afin de ne pas les confondre avec les comètes.
Messier puis Herschel bâtirent des catalogues encore utilisés aujourd’hui jusqu’à ce que, un siècle après Kant, William Parsons construise un télescope qui démontra sans erreur que, mais oui, certaines de ces nébuleuses étaient composées d’étoiles. Toutefois, pas question d’imaginer que ces « nébuleuses d’étoiles » soient situées en dehors de notre galaxie qui restait « l’Univers » dans tout entier. Un relent d’anthropocentrisme ? (voir sujet : Terre, centre du Monde

     C’est
Edwin Hubble qui mettra fin à la polémique en 1924 en démontrant que certaines nébuleuses sont extérieures à la Voie lactée, ses travaux étant confortés par Henrietta Leavitt et son recours aux céphéides (voir sujet céphéides) pour calculer leurs distances. Précisons pour être complets que les nébuleuses intérieures à la Voie lactée n’ont évidemment rien à voir avec une quelconque galaxie et sont d’origines diverses : amas globulaires, nébuleuses planétaires, nuages de gaz, etc.

 

     Des galaxies, en tout cas, il y en a beaucoup : les calculs statistiques montrent que le nombre de galaxies observables dans l’univers visible est d’environ cent milliards ! Moins d’une centaine de millions d’entre elles ont été à ce jour photographiées et on imagine aisément le temps qu’il faudrait pour les enregistrer toutes : certainement plusieurs siècles… 
 

 

 

 
origine et composition des galaxies

 

  

     Elles proviennent toutes du nuage primordial issu du Big Bang. Sous l’effet des pressions considérables et de la gravitation, le gaz s’est aggloméré pour former des milliards d’étoiles regroupées dans les galaxies qui, du fait de l’expansion de l’Univers, ont commencé à s’éloigner les unes des autres. Du moins lorsqu’elles sont déjà suffisamment lointaines car, proches les unes des autres, elles restent liées dans ce que l’on appelle des amas (voir glossaire) : c’est le cas de notre galaxie qui se trouve dans un amas appelé le groupe local comprenant également la grande galaxie d’Andromède. Dans ce cas particulier, les galaxies ont au contraire la propriété de s’attirer et on estime qu’Andromède se heurtera à notre propre Voie lactée dans deux à trois milliards d’années.

 

     Pour le reste, c’est à dire l’essentiel, elles s’éloignent et c’est précisément ce qu’a démontré Hubble en étudiant les spectres des galaxies (extérieures au groupe local) qui invariablement tirent vers le rouge (redshift), effet Doppler oblige. 

     Depuis le Big Bang, il y a 13,7 milliards d’années, bien des choses ont changé et ce ne sont plus tout à fait les mêmes étoiles qui composent les galaxies. La première génération d’étoiles supergéantes - dites
étoiles primordiales - a depuis longtemps disparu : la durée de vie assez courte de ces étoiles explique le phénomène (notons à l’inverse que ce n’est pas le cas général puisque les « petites » naines rouges peuvent vivre jusqu’à 100 milliards d’années). On comprend donc que les générations postérieures d’étoiles incorporent des métaux qui ne peuvent provenir que de leurs ancêtres, ces supergéantes qui ont modifié la composition du ciel pour le faire tel qu’il est de nos jours… De plus amples informations sur ces étoiles très particulières sont accessibles dans le sujet qui leur est consacré : les étoiles primordiales.

 

     Lorsqu’on observe les galaxies lointaines, on voit en réalité le passé. Une galaxie située à, disons, un milliard d’années-lumière (al) de nous est visible telle qu’elle était il y a un milliard d’années, temps qu’a mis sa lumière à nous parvenir. Une époque où elle était plus jeune et fabriquait théoriquement plus d’étoiles. Est-ce à dire qu’aujourd’hui il ne naît plus d’étoiles ? Qu’en est-il de notre galaxie ? Avant de répondre à cette question, il faut revenir sur les différents types de galaxies observables. 

 

 

 

classification des galaxies

 

  
     Les astronomes savent depuis le début de leur observation réelle des galaxies qu’elles ne sont pas toutes identiques. Elles diffèrent évidemment par leurs tailles mais également par leur aspect ; on décrit quatre types différents de galaxies, à savoir :

  

          *
les spirales

     La Voie lactée appartient à ce groupe, tout comme sa voisine dans le groupe local, la galaxie d’Andromède M31. J’ai déjà eu l’occasion d’en dire deux mots dans un sujet précédent (voir sujet place du Soleil dans la Galaxie).

 

     Notre galaxie se présente sous la forme d’un disque épaissi dans sa partie centrale (un peu comme, vues par la tranche, deux assiettes à potage collées tête bêche). Dans le centre du disque siègent un trou noir géant (Sagittarius A) que l’on ne peut que soupçonner de façon indirecte et, tournant autour de lui, des milliards d’étoiles : ce centre, appelé bulbe, renferme essentiellement des étoiles anciennes. Anciennes parce que le gaz interstellaire qui permet la formation des étoiles est pour sa grande part épuisé. Je crois volontiers que certains ciels de cet endroit doivent être féériques : imaginons-nous sur une planète d’un système solaire proche de ce centre ; les nuits doivent y être prodigieuses avec d’immenses nuées d’astres brillants d’une densité telle qu’il est parfaitement possible que ces soleils innombrables illuminent les terres presque comme en plein jour !

 

     Autour du bulbe se distribuent les bras spiraux (le Soleil est dans l’un d’entre eux - voir sujet précédemment cité) qui, sous l’effet de la gravitation, sont en rotation autour du centre. C’est là que naissent les étoiles car il y a encore beaucoup de gaz. Sous la pression d’étoiles géantes en fin de vie qui explosent, le gaz est comprimé et donne naissance à une pouponnière d’étoiles avec, parmi elles, de nouvelles supergéantes qui, à leur mort, entretiendront le processus de formation. Comme toutes les spirales qui lui ressemblent, la Galaxie (que l’on ne devrait plus appeler Voie lactée mais l’habitude est une seconde nature) est encore féconde.

  

         
galaxies spirales barrées

 

     Il existe un phénomène concernant les galaxies spirales que nous n’avons pas encore évoqué : la présence d’une barre d’étoiles pouvant couper de part en part le centre d’une galaxie ; on parlera alors de galaxie barrée et, surprise, depuis peu, on croit savoir que c’est le cas de la Voie lactée. Quel est donc ce phénomène qui touche les 2/3 des galaxies spirales ?

 

     Ces barres sont en fait des ondes de densité qui se développent spontanémentgalaxie-spirale-barree-ngc-7424.jpg dans le disque galactique en gravitation. On sait qu’un disque galactique est d’autant plus instable qu’il est « froid », c’est à dire associant peu de mouvements désordonnés à une rotation forte. La barre est un phénomène qui rompt la symétrie de l’axe galactique quand celui-ci est relativement instable et, de ce fait, le gaz interstellaire est attiré vers le centre d’où des flambées de nouvelles étoiles. Les galaxies barrées trouvent là un autre moyen de créer de nouveaux soleils.

 

     Du coup, pour les galaxies barrées typiques, les bras n’émergent plus du bulbe central dans son ensemble mais de la bande d’étoiles constituant la barre. Ajoutons que plus il y a de matière (d’étoiles) ainsi constituée et plus la barre a tendance à disparaître, le disque retrouvant sa stabilité. Compliqué ? Non, pas vraiment : il s’agit d’un phénomène finalement assez simple dont la seule particularité est de se produire à une échelle gigantesque. Quoi qu’il en soit, cette dernière manière de caractériser une galaxie permet de comprendre que celles-ci passent par des cycles successifs et répétés qui traduisent leur plus ou moins grande propension à créer des étoiles.
 


          * les elliptiques

     Ce sont des galaxies qui n’évoluent pratiquement plus : dans longtemps d’ici, la Voie lactée deviendra probablement ainsi (mais pas avant d’avoir plus ou moins fusionné avec sa voisine Andromède). Ces galaxies se présentent sous la forme de sphères ou de configurations ovales comme un ballon de rugby et elles sont essentiellement composées d’étoiles âgées, principalement des naines rouges et blanches. Ne possédant plus de gaz qu’elles ont épuisé, elles n’ont pas connu de véritables naissances stellaires depuis des millions d’années.

 

     Elles sont aussi souvent gigantesques, regroupant parfois jusqu’à 10 000 milliards d’étoiles, un chiffre difficile à appréhender… Puisqu’elles sont si massives, elles étendent leur influence gravitationnelle très loin d’elles ce qui explique pourquoi elles sont entourées de petites galaxies dites satellites : dans leur propre amas, ces monstres finiront par capter toutes leurs petites voisines pour augmenter encore de taille.
 

 
          *
les irrégulières

 

     De taille bien moins importante que celles des deux types précédents, il s’agit peut-être de galaxies spirales « ratées » en ce sens que leur faible masse les a empêchées d’évoluer normalement. Il n’empêche : elles sont aussi le siège de naissances d’étoiles comme en témoigne la présence de nombreuses supergéantes bleues. J’ajoute que les « nuages de Magellan », galaxies satellites de la Voie lactée, font partie de ce type.

  

 

          * les lenticulaires

 

     Il reste, pour être complet, à citer cette dernière forme de galaxies qui, au contraire des précédentes, sont très symétriques. Composées essentiellement d’un bulbe presque hypertrophié et d’un disque aplati de petite taille, elles n’ont plus ni gaz, ni poussière susceptibles de permettre l’éclosion de nouvelles étoiles : les leurs sont donc les plus vieilles de l’Univers. 
 

 

 

 

 
Répartition des diverses catégories de galaxies

  

 

 

     La majorité des galaxies visibles dans le ciel sont des spirales puisqu’elles représentent un peu plus de 60% de l’ensemble. On trouve ensuite, en ordre décroissant, les lenticulaires (21%), les elliptiques (13%) et, enfin, les irrégulières (un peu plus de 5%). Pour obtenir ces chiffres, on n’a retenu que les galaxies les plus proches de nous. En effet, comme je l’ai dit précédemment, regarder le ciel lointain, c’est regarder le passé : du coup, regarder un peu trop loin, c’est obtenir un cliché qui n’est probablement plus d’actualité, les astres ayant évolué depuis cette date.

 

 

 

 

Evolution et devenir des galaxies

  

     Les galaxies sont organisées en amas pouvant comporter des centaines voire des milliers de sujets. Entre ces amas, le
vide. Car, malgré ses milliards de galaxies, l’Univers est si grand que sa presque totalité est du vide : on pense que celui-ci contient moins d’un atome par mètre-cube…

 

     Les amas de galaxies ne sont pas distribués au hasard. A une échelle encore plus grande, on trouve des superamas, preuve que l’Univers est organisé en des sortes de cellules dont les bords renferment les amas galactiques et le centre du vide. Le meilleur moyen de se représenter l’Univers à cette échelle est de le comparer à une éponge qui grossirait sans cesse (à la différence près qu’en dehors de l’éponge, ici, il n’existe rien). Chaque cellule a un diamètre approximatif de 300 millions d’al et c’est aux points de contact de ces cellules qu’existe la plus grande concentration de galaxies.

 

 superamas-galactiques-copie-1.gif

 

     Revenons à une dimension moins énorme. Une galaxie est donc un assemblage immense d’étoiles et, du moins dans celles qui le peuvent encore, il en naît chaque jour des millions. Celles qui le peuvent ce sont les spirales et les irrégulières, soit les ¾ des galaxies : c’est dire combien, en dépit de ses milliards d’années d’existence, l’Univers est encore jeune.

 

     Les étoiles ne naissent pas isolément mais par centaines en même temps ce qui explique l’expression souvent retrouvée en astronomie de pouponnières d’étoiles. Les nodules de gaz et de matière présents dans une galaxie se condensent sous l’effet de la gravitation, deviennent de plus en plus chauds jusqu’à atteindre des millions de degrés, un stade à partir duquel s’enclenche la réaction thermonucléaire qui conduira à la création d’une pléiade de nouveaux soleils.

 

     Parfois, l’explosion voisine d’une supernova accélère le processus. Puis, ces étoiles, de par les forces de gravitation, s’éloignent progressivement les unes des autres pour vivre leur vie plus ou moins solitaire (une grande partie d’entre elles sont organisées en systèmes multiples comme cela est expliqué dans le sujet : étoiles doubles et systèmes multiples). Pour le Soleil, par exemple, vieux de 4,5 milliards d’années, il n’est plus possible de savoir quels étaient ses frères et sœurs, la dispersion ayant fait son œuvre mais ce n’est pas le cas d’étoiles plus récentes.

 

     Toutefois, même pour les galaxies plus anciennes, comme les elliptiques, tout espoir n’est pas perdu : une autre source de création d’étoiles est le choc entre deux galaxies, par exemple une elliptique géante et l’une de ses galaxies satellites. Vu de loin, on observe un interpénétration des deux systèmes qui peut durer des millions d’années. Les forces gravitationnelles qui les attirent en bouleversent la structure : ici, un morceau de galaxie est incorporé à la plus massive et se met à tourner avec elle, ailleurs un morceau d’un disque se trouve amputé et reste un temps solitaire. A l’échelle des étoiles, le phénomène n’est guère perceptible : celles-ci sont séparées par tellement de vide qu’il est très peu probable qu’une collision se produise. Tout au plus, une étoile peut-elle être captée par un système déjà formé… En revanche, il est très vraisemblable que les nuages de gaz encore présents s’échauffent d’où la possibilité de naissances d’étoiles même dans des galaxies théoriquement stériles.

 

     Quel sera le devenir de l’Univers ? On sait depuis peu qu’il continue son expansion (voir le sujet : l'expansion de l'Univers). Plus encore, depuis les observations effectuées par les dernières sondes lancées, on sait que cette expansion a tendance à s’accélérer. Si rien n’inverse le processus, on peut imaginer que les distances entre les galaxies vont s’accroitre tandis que les amas vont finir par s’unifier. Et après ? On ne peut que conjoncturer un refroidissement progressif et une dispersion dans un vide total… Mais il faut néanmoins faire attention : bien des choses restent à découvrir qui, peut-être, invalideront ce scénario de fin du monde. N’oublions pas, par exemple, que nous ne savons pas grand chose de la matière qui compose l’Univers. Les calculs, ici, sont formels : toute la masse visible ne représente qu’une fraction de la masse totale. Comme je l’ai déjà expliqué dans un précédent sujet (voir matière noire et énergie sombre), les galaxies, étoiles et autres gaz divers ne représentent qu’environ 4% de la masse universelle globale : 74% sont attribués à une mystérieuse matière noire et 21% à une non moins énigmatique énergie sombre. Les années à venir nous réservent sans doute des surprises…


     Les galaxies sont des structures gigantesques composées de milliards de soleils et de probablement encore plus de planètes. Elles sont autour de nous par milliards, brillantes, indifférentes et muettes. Même la seule dont nous connaissons une toute petite partie, la Galaxie, notre galaxie, est si gigantesque qu’une civilisation humaine toute entière aurait à peine le temps d’en effleurer la réalité. C’est exprimer combien l’Univers visible est immense et combien nous sommes petits, infinitésimaux pour ainsi dire. Si les êtres humains prenaient parfois le temps d’y réfléchir, je suis à peu près certain que bien des problèmes qui agacent notre vie quotidienne seraient alors considérés comme négligeables :
Oculos habent et non videbunt… (ils ont des yeux mais ne voient pas)

 

 

 

 


Glossaire

 

     * Amas de galaxies : un amas de galaxies est l'association de plus d'une centaine de galaxies liées entre elles par la gravitation. En dessous de 100, on parle plutôt de groupe de galaxies, même si la frontière entre groupe et amas n'est pas clairement définie.

     Ces amas se caractérisent par leur forme (spécifique, sphérique, symétrique ou quelconque) ainsi que par la répartition et leurs nombres de galaxies (jusqu'à plusieurs milliers). Ils se sont formés il y a 10 milliards d'années, ce qui est relativement tôt par rapport à l'âge de l'univers (environ 14 milliards d'années). Ces amas peuvent eux-mêmes s'associer en groupes plus grands pour former des superamas.  

     Les amas de galaxies sont des structures stables, c'est-à-dire que ses constituants ne peuvent s'échapper du puits de potentiel gravitationnel de l'amas, les plus grandes et les plus massives de l'Univers actuel.

     Notre Galaxie appartient à un groupe de galaxies, comprenant une trentaine de galaxies, appelé Groupe local, lui-même inclus dans le superamas de la Vierge. (in Wikipedia France)

 

 

 

Images

 

1. le catalogue de Messier (sources : www.astrofiles.net/)

2. Emmanuel KANT, peinture anonyme vers 1790 (sources : www.culture.gouv.fr/)

3. la galaxie spirale NGC1232 Eridan (sources : cidehom.com)

4. la galaxie spirale barrée NGC 7424 (sources : www.insu.cnrs.fr/)

5. superamas de galaxies (sources : www.oca.eu/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

 

Mots-clés: Fred Hoyle - univers stationnaire - Edwin Hubble - univers en expansion - rayonnement fossile - Big Bang - Emmanuel Kant - Voie lactée - Charles Messier - John Hershel - Henrietta Leavitt - céphéides - galaxie d'Andromède - groupe local - étoiles primordiales - galaxies spirales - bulbe galactique - bras spiraux galactiques - galaxies barrées - galaxies elliptiques - galaxies irrégulières - galaxies lenticulaires - nuages de Magellan - amas galactique - superamas galactiques - matière noire

(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. les étoiles primordiales

2. matière noire et énergie sombre

3. Big bang et origine de l'Univers

4. les premières galaxies

5. Edwin Hubble, le découvreur

6. juste après le Big bang

7. distance et durée des âges géologiques

8. pulsars et quasars

9. l'expansion de l'Univers

  

 

 

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Mise à jour : 21 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #médecine

 

  

" le vautour", médecin de la peste

 

(Cet article a été écrit avant la pandémie du coronavirus de 2019)

 

 « Il y aura donc des maladies nouvelles. C’est un fait fatal. Un autre fait, aussi fatal, est que nous ne saurons jamais les dépister dès leur origine. Lorsque nous aurons notion de ces maladies, elles seront déjà toutes formées, adultes pourrait-on dire. Elles apparaîtront comme Athéna parut, sortant tout armée du cerveau de Zeus. Comment les reconnaîtrons-nous, ces maladies nouvelles, comment soupçonnerions-nous leur existence avant qu’elles n’aient revêtu leurs costumes de symptômes ? Il faut bien se résigner à l’ignorance des premiers cas évidents. Ils seront méconnus, confondus avec des maladies déjà existantes et ce n’est qu’après une longue période de tâtonnements que l’on dégagera le nouveau type pathologique du tableau des affections déjà classées. » disait prohétiquement en 1933 Charles Nicolle, prix Nobel de médecine.



     Les grandes épidémies peuvent-elles donc revenir et, comme par le passé, menacer l’Humanité ? Voilà une bien angoissante question à laquelle il serait plus qu’urgent de répondre. 

     Rappelons tout d’abord qu’une
épidémie est la propagation d’une maladie infectieuse à l’ensemble de la population de telle façon que son incidence (sa fréquence de survenue) augmente par rapport à la normale qui n’est représentée que par quelques cas épars (on parle alors de cas sporadiques).

     Lorsque cette épidémie s’étend à l’ensemble d’une population sur un ou plusieurs continents, voire même à l’ensemble du globe, on utilise le mot pandémie. Dans le passé, certaines pandémies ont causé énormément de dégâts, mettant parfois en péril des communautés entières. Dans la deuxième partie du XXème siècle, s’appuyant sur la médecine moderne – et ses approches thérapeutiques – on a pensé que les pandémies étaient du domaine de l’Histoire : erreur profonde comme en témoigne, par exemple, la propagation du SIDA à l’ensemble de la planète. On peut donc d’ores et déjà répondre à la question citée en préambule : les grandes épidémies mondiales ne sont pas de retour pour la bonne raison qu’elles ne sont jamais parties… et, oui, c’est vrai, elles peuvent menacer l’équilibre de nos sociétés.

 


au tout début
   

 

     L’Histoire nous enseigne que bien des affections humaines proviennent de maladies animales (appelées zoonoses) et que leur adaptation à l’espèce humaine s’est faite progressivement, au fil des siècles de contact avec les porteurs. Pour cela il a fallu que le germe responsable, essentiellement des virus, se soit adapté en franchissant un obstacle considérable à sa propagation : la barrière interspécifique. Une fois celle-ci franchie, le germe a évolué jusqu’à permettre sa transmission d’un humain à l’autre par voie respiratoire ou sexuelle. Et c’est là qu’il a commencé à poser problème… Une chose, néanmoins, est sûre : ce sont les transformations de son milieu par l’Homme lui-même qui a permis ce phénomène. 


     En effet, dans les temps préhistoriques, les humains ne vivaient qu’en groupes peu importants, de quelques dizaines à quelques centaines d’individus, éparpillés qui plus est sur de vastes étendues, prix à payer pour que le gibier soit accessible. Les épidémies ne pouvaient donc être que familiales ou d’origine animale (affections transmises lors de la chasse).

     Tout change avec la révolution agricole il y a environ 10 000 ans. Les hommes sont alors « fixés » et en contact permanent avec leurs animaux domestiques qui peuvent plus facilement transmettre les zoonoses. Il faut ajouter à cela que les populations, en raison de la meilleure stabilité des ressources alimentaires, se développent progressivement. Un autre élément est à prendre en compte : la facilitation des communications (routes, caravanes, transports maritimes) et, par voie de conséquence, l’accroissement de la taille des cités. Bref, toutes les conditions sont présentes pour permettre une diffusion rapide et généralisée des épidémies. De fait, la grande peste noire de 1347 est là pour prouver les risques à présent encourus par les populations humaines.

 


la grande peste (ou mort noire) de 1347-1350

  

     Connue depuis l’antiquité (et notamment décrite par les Grecs), cette redoutable affection, provoquée par le bacille
yersinia pestis est propagée par le rat qui en est le vecteur principal. Elle est la conséquence de piqures par les puces des rats infectés, de morsures par l’animal malade lui-même voire de la consommation d’animaux atteints (les rongeurs « sauvages » comme les lapins ou les lièvres, et même, dans certains cas extrêmes, les rats, seule nourriture possible lors de longs sièges de villes).

     La mémoire historique retient notamment la « grande peste » de 1347 qui fit des  ravages si considérables que des siècles plus tard on en parlait encore avec crainte. Au XVIème siècle, le médecin Nicolas de Mancel en fit la description suivante : « Or donques la peste est une fièvre continue, aiguë et maligne, provenante d'une certaine corruption de l'air extérieur en un corps prédisposé : laquelle étant prise par contagion se rend par même moyen communicable & contagieuse : résidente aux trois parties nobles ; accompagnée de très mauvais & très dangereux accidents, & tendante de tout son pouvoir, à faire mourir l'homme, voire tout le genre humain. » Cette effroyable maladie se présente sous trois formes, d’ailleurs parfois intriquées : 

     *
la peste bubonique qui est un état infectieux extrême avec présence d’adénopathies - tuméfactions ganglionnaires – appelées à l’époque bubons et aboutissant à la mort en une semaine dans un état de cachexie (voir glossaire) complète. Toutefois, 30% environ des malades survivent, acquérant ainsi une certaine immunité, 

     * la peste
septicémique, complication de l’état précédent lors de l’effondrement du système immunitaire du malade 

    * et la peste
pulmonaire, plus rare mais la plus redoutable puisque la plus contagieuse : chaque expectoration (pus, crachats, postillons) du malade contient le germe. 

     Il faut bien sûr se rappeler que, à cette époque, cette maladie se transmet sans que les hommes ne comprennent comment (on est encore bien loin du siècle pasteurien) si ce n’est qu’il vaut mieux éviter les malades qu’on abandonne très volontiers à la providence divine (d’ailleurs, bien des gens de l’époque pensent qu’il s’agit là d’une malédiction de Dieu). Les armes employées par les quelques soignants sont dérisoires : la prière, le bûcher pour les « hérétiques », la mise à mort de certaines minorités comme les lépreux ou les Juifs accusés de propager la maladie, la
phytothérapie (médecine par les plantes) et l’ingestion de substances animales (bave de crapaud ou d’escargot, venin de vipère, etc.), tout cela avec le succès qu’on imagine…

     Les gens terrorisés se calfeutrent donc chez eux et, le plus souvent, le seul contact qu’ils ont avec des autorités dépassées se fait le soir lorsque les tombereaux municipaux viennent ramasser les morts pour les enfouir subrepticement dans les fosses communes. La maladie s’étend sans que rien ne puisse vraiment l’arrêter et les conséquences de cette diffusion sont, outre les morts qui se comptent par centaines de milliers, le ralentissement de la vie économique, sociale, artistique jusqu’à ce que la peste disparaisse d’elle-même, faute de combattants en quelque sorte (mais elle rebondira deux siècles plus tard dans le Nouveau Monde provoquant l’effondrement démographique des populations indigènes). Aujourd’hui, une simple prise d’antibiotiques est suffisante… car yersinia pestis est une bactérie et non un virus. J’ajoute qu’il existe encore de nos jours quelques foyers épars de peste (Congo, Mozambique, Madagascar) mais cette maladie à déclaration obligatoire est assez facilement contenue. 

     Si j’ai quelque peu insisté sur la peste, c’est pour mieux faire comprendre les ravages d’une telle affection pour peu que les populations atteintes soient démunies face à elle. La
tuberculose, elle aussi, fit des ravages au siècle dernier, notamment dans les populations défavorisées ou les grandes métropoles industrielles. J’ai encore en mémoire toutes les formes de tuberculose (miliaire, Pott, coxalgie, tumeur blanche, etc.) que l’on nous décrivait abondamment en faculté de médecine - des pages de sémiologie aujourd’hui presque oubliées - mais, ici aussi, l’antibiothérapie a fait reculer la maladie jusqu’à presque l’éradiquer (je parle évidemment pour nos pays développés, la maladie restant plus que préoccupante dans le tiers-monde). Or, et c’est là tout notre problème, s’il est (relativement) facile de lutter contre ce type d’atteintes bactériennes, il n’en est pas de même vis à vis des virus, autres vecteurs (ô combien !) de pandémies…

 

 

 

les pandémies virales

 

  
     Les virus, on le sait, ne peuvent pas se traiter par des agents anti-infectieux comme les antibiotiques. Puisque l’on ne dispose pas de moyens directs, on cherche à prévenir le risque soit par des médications supposées ralentir l’affection ou stimuler le système immunitaire, soit par une
vaccination ciblée. Malheureusement, les médicaments ne sont finalement que modérément efficaces et les vaccins doivent être préparés à l’avance, une préparation qui, face à un virus inconnu, demande plusieurs mois (au moins) durant lesquels l’agent pathogène a quartier libre…

 

         
* les aléas de la vie moderne 

     Ce n’est un secret pour personne que, depuis quelques décennies, la communication du monde moderne s’est considérablement accélérée : je pense ici aux moyens de transports et d’échanges qui mettent pour chacun d’entre nous l’autre bout du monde à quelques heures d’avion (ce qui est évidemment également le cas des denrées et marchandises diverses). Même pour quelqu’un d’extrêmement sédentaire, les relations avec le monde extérieur se sont largement développées (lieux de loisirs, grandes surfaces alimentaires, centres commerciaux, réunions sportives, cinémas, etc.) : il est loin le temps où le Français moyen ne quittait son village qu’une seule fois dans sa vie, à l’occasion de son service militaire (pour les hommes !)… Automobiles, transports en commun : le monde bouge… et, avec lui, les germes en tous genres. On n’y peut rien : à moins de vouloir revenir des siècles en arrière, c’est comme ça ! Les virus aiment à se transmettre par contact direct d’un individu à l’autre et justement, des gens, on en rencontre toute la journée. Par exemple, une des épidémies les mieux connues est celle de la
grippe qui, chaque saison hivernale, refait parler d’elle.

 

         
* la grippe  

     Elle est la conséquence de l’infection de l’organisme par un virus (influenzae et/ou para-influenzae) qui entraîne – on l’a tous constaté un jour – fièvre, frissons, maux de tête et, d’une manière générale, un malaise intense qui nous confine au lit deux ou trois jours. La maladie, sauf cas exceptionnels, entraîne peu de conséquences pour peu que l’on n’appartienne pas aux tranches extrêmes de la population – enfants et personnes âgées – pour lesquelles, justement est mis au point chaque année un vaccin (pour nos régions de l’hémisphère nord, ces vaccins sont synthétisés durant la saison chaude… pendant que l’hémisphère sud se fait vacciner). Pas de mystère : les scientifiques savent à peu près comment va muter le virus et peuvent donc programmer l’immunisation.

     Pour ma part, au delà des deux âges extrêmes, le médecin que je suis ne saurait trop encourager tout le monde à se faire vacciner : c’est certainement le meilleur moyen de protéger doublement les personnes fragiles en empêchant directement la propagation de la maladie. En somme, si on s’en préoccupe suffisamment, la grippe ne devrait plus être un problème trop grave car, grâce à la vaccination, on est loin des cinquante millions de morts de la grippe espagnole H1N1 de 1918-1919… Oui mais pour les autres affections virales, ce n’est pas aussi simple.

     Pour conclure ce bref rappel sur les virus grippaux, il semble impossible de ne pas évoquer celui de la grippe A (H1N1) dont on parle tant en cette fin d'année 2009. Assez semblable dans ses effets à son cousin de la grippe habituelle (dite "saisonnière"), il ne se fait remarquer que parce que la population ne l'ayant encore jamais rencontré, cette dernière est actuellement sans défense contre lui mais aussi parce qu'il touche préférentiellement les personnes jeunes (moins de 30 ans), notamment celles qui sont fragilisées et les femmes enceintes. On trouvera plus d'informations sur cette nouvelle forme de pandémie grippale dans trois sujets qui lui sont exclusivement consacrés, à savoir : grippe A (H1N1), inquiétudes et réalités, ainsi que : le vaccin de la grippe A (H1N1) et retour sur la grippe A.

 

       
 * les affections virales à (gros) problèmes 

     La plus grande épidémie actuelle est celle du SIDA et elle en passe de devenir au fil des ans la plus grande pandémie de tous les temps. La transmission, essentiellement sexuelle, lui permet d’évoluer assez lentement mais inexorablement. Le problème : le virus mute en permanence et rend très difficile la réalisation d’un vaccin actif (certains scientifiques pensent même qu’un vaccin est impossible mais je ne veux pas croire à une telle éventualité). Les trithérapies ont un peu amélioré le pronostic des malades mais, outre que ce traitement n’est pas curatif, il ne concerne pas les pays en voie de développement pour des raisons essentiellement économiques. 

     D’autres affections virales sont redoutables et plus ou moins bien connues :
l’encéphalopathie spongiforme bovine qui défraya, il y a quelques années, la chronique sous le nom de maladie de la vache folle avec ses redoutables retombées économiques ; le SRAS ou syndrome respiratoire aigu sévère, enrayé à présent semble-t-il (mais pour combien de temps ?); la maladie de Creutzfeld-Jacob qui, dernièrement encore, faisait parler d’elle dans les médias à propos de l’hormone de croissance ; le chikungunya, la dengue, la fièvre jaune, le virus Ébola, le virus du Nil occidental, l’encéphalite japonaise, etc. et combien de maladies encore inconnues parce que à l’état latent ou non encore reconnues par nos systèmes de dépistage, ces derniers n’étant véritablement efficaces (?) qu’en Europe et en Amérique du nord ? Et puis il y a la grippe aviaire…

 

         
* la grippe aviaire 

     Voilà une maladie virale qui demande à être discutée à part. Bien sûr, à première vue, il ne s’agit que d’une maladie touchant les oiseaux et, accessoirement, quelques humains ayant été trop en contact avec eux (les paysans asiatiques, par exemple, qui dorment à côté de leurs volailles). Ce serait une erreur très grave de ne pas prendre le risque au sérieux (et, de fait, les scientifiques sont très vigilants). Le virus en cause est le
H5N1 (la grippe espagnole était le H1N1) et ne touche en principe et comme on l’a déjà dit que les oiseaux, d’où son nom.

     Le virus ne peut donc pas passer la barrière interspécifique et se transmettre à l’homme. Bien. On est presque rassuré. Dans un premier temps. Car la grande peur des scientifiques du monde entier est que, à l’occasion d’une épidémie de grippe banale, il y ait mutation du virus en une sorte de « recombinaison » des deux virus : le nouveau virus pourrait alors avoir la virulence du H5N1 de la grippe aviaire et la contagiosité (pulmonaire) du virus de la grippe humaine puisqu’il pourrait alors passer cette fameuse barrière interspécifique. Ce serait une catastrophe. Bien sûr, un vaccin pourrait probablement être synthétisé mais, comme je le disais plus haut, il faut entre trois à six mois pour cela : le temps suffisant pour infecter des dizaines, voire des centaines de millions de personnes. Or, je le répète, la virulence du virus risque d’être maximale…

     Comme beaucoup de scientifiques nous disent : « il ne s’agit pas de savoir si le virus de la grippe aviaire va muter mais quand… », il est légitime d’être inquiet et de chercher à prendre un maximum de précautions. Quelles sont-elles ? Secret défense. On sait seulement que l’État – en tout cas en France – stocke des millions de boîtes d’un agent antiviral bien connu et des centaines de millions de masques. Il a par ailleurs été dressé une liste rouge des décisions à prendre en cas d’épidémie, notamment sur les fermetures de lieux publics, mais on n’en sait pas plus. Quoi qu’il en soit, il ne reste qu’à souhaiter (on en revient aux prières des pestiférés de 1347 !) que l’éventualité ne se présentera pas ou dans bien longtemps lorsque nous maitriserons mieux ce type d’affections.

  
     Les pandémies qu’il y a peu on croyait jetées aux oubliettes de l’histoire de la santé mondiale n’ont jamais été aussi présentes en raison de la structure même de nos sociétés. Rien ne plaît autant à ces maladies que le mouvement et le contact entre un maximum de gens en un minimum de temps : certaines peuvent alors se transmettre à la vitesse de l’éclair et causer d’abominables dégâts avant même que nous ayons eu le temps de réagir. C’est la raison pour laquelle il convient de garder ce danger potentiel dans un coin de notre cerveau. Peut-être rien ne se passera-t-il jamais mais si, par malheur, l’éventualité se concrétisait, il conviendrait de s’en remettre aux décisions des autorités sanitaires, seul moyen de limiter les dégâts car, en pareil cas, « jouer perso », c’est la mort assurée.

 

 

 

 

Glossaire

 
     *
cachexie : la cachexie est un affaiblissement profond de l’organisme (perte de poids, atrophie musculaire, etc.), lié à une dénutrition très importante. La cachexie n'est pas une maladie en elle-même, mais le symptôme d'une autre. Elle peut provenir d'une anorexie (même chez une personne dont la perte de poids n'est pas volontaire), d'un cancer (cachexie cancéreuse, produite par des substances secrétées par la tumeur), de maladies chroniques (BPCO, insuffisance cardiaque, insuffisance hépatique, insuffisance rénale), voire de certaines maladies infectieuses (par exemple la tuberculose et le SIDA, ou certaines maladies auto-immunes). (in Wikipedia France)



Photos

1. Pour soigner la mort noire, le médecin était vêtu d'un uniforme supposé le protéger de la maladie "qui ne pouvait le voir". Porteur d'un masque, de gants et de lunettes, sa badine lui servait à soulever les vêtements et les membres du pestiféré. On le surnommait le "vautour" en raison de son masque à long bec.

(sources renaissance.mrugala.net/)

2. la grande peste, peinture anonyme du XVème siècle

(sources : microbiologie.spectrosciences.com/)

3. Il n'y a pas grand chose à faire contre la propagation de la grippe aviaire...

(sources : www.futura-sciences.com/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : Charles Nicolle - zoonose - barrière interspécifique - révolution agricole - grande peste noire - yercinia pestis - Nicolas de Mancel - peste bubonique - peste septicémique - peste pulmonaire - cachexie - tuberculose - vaccination - grippe commune - grippe espagnole H1N1 - SIDA - trithérapie - ESB ou maladie de la vache folle - maladie de Creutzfeld-Jacob - chikungunya - dengue - fièvre jaune - virus ebola - virus du Nil occidental - grippe aviaire H5N1

(les mots en bleu renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. grippe A (H1N1), inquiétudes et réalités

2. le vaccin de la grippe A (H1N1)

3. retour sur la grippe A

 

 

 

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Alcyon B, roman de science-fiction (alcyon.eklablog.com)

 

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